Au commencement - chapitre premier
Je sais que les esprits cartésiens ne comprendront jamais mon histoire. Mais peu m'importe car pour moi il n'y a plus d'échappatoire. L'histoire commence donc par moi forcément. Le plus simple serait de vous brosser les grandes lignes de ma vie. Je m'appelle Shaz. J'ai la trentaine bien engagée, je suis célibataire, sans enfants, ni animaux ni plantes vertes, j'habite à Paris dans un quartier chic et je travaille comme graphiste indépendant dans mon petit deux pièces. Avant que tout n'arrive, j'étais un gros fêtard fan de techno, du genre à s'échouer trois fois par semaine à six heures du mat' raide éclaté sur son canapé...
C'est ainsi que j'ai commencé ma collection de jouets. Plus précisément les jouets de science-fiction des années 70 et 80. Les robots, les engins spatiaux et autres extra-terrestres anonymes ou ultra connus comme Goldorak ou Albator... Je n'ai pas vraiment cherché à savoir pourquoi je voulais collectionner les jouets mais je pense qu'ainsi je pansais des blessures de l'enfance et que d'un autre côté j'investissais mon argent dans quelque chose de plus palpable que les restos, les bars et les boîtes de nuit. Je me suis donc mis à chiner d'abord très tranquillement puis avec de plus en plus de frénésie. Je passais tous mes week-ends couché dans des cartons à jouets sales et cassés à ramasser tout ce que je pouvais dénicher.
Je crois avoir eu un parcours classique de collectionneur, à récolter des trucs irréparables, tout et n'importe quoi dans un premier temps. Puis, au fil des années et des brocantes, je finis par affiner mon jugement, à connaitre toutes les variantes de chaque production de figurine ou de véhicule, à distinguer l'objet rarissime de la daube ordinaire, à repérer les bonnes affaires d'instinct.
Mais, et c'est là le but de ce récit, mon deux pièces s'était tranformé en deux temps trois mouvements en véritable bric-à-brac, annexe folle d'un magasin de jouets. Sans m'en rendre compte, ce capharnaüm hallucinant rongeait mon moral de taupe chineuse.
Un samedi soir de Septembre, fourbu de ma journée de vide-greniers, alors je restais prostré à contempler un Général Ackbar (c'est l'extra-terrestre à tête de poisson de la guerre des étoiles) daté de 1982, j'éprouvais comme un vertige soudain, une intense bouffée de chaleur me submergea et là, j'entendis très nettement le Général parler en moi.
Et ses premiers mots furent "Tu ne dois plus nous entasser dans des cartons comme tu le fais".