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- - - > les petites voix

15 décembre 2005

Troisième round - Chapitre 17

Un matin froid et triste de l'hiver qui déboule enfin. Une banlieue chic et discrète. Derrière des murs d'enceinte recouverts de lierre, au milieu d'un joli parc, un beau et large pavillon tout en meulière. Bancs, statues, fontaines. A la droite du terrain, un parking, une cabane de jardinier. Quelques employés silencieux qui vaquent à leurs occupations. Au-dessus du fronton, un cygne stylisé. Quatre lettres en-dessous. S W A N. La pension de l'Eglise de l'Ultime Apocalypse sous le signe du cygne. L'église maintes fois décriée pour ses positions sur les thèmes bioéthiques plus que douteuses. Au fond du parc, une structure démontable avec des agents de sécurité en costume, avec lunettes de soleil et oreillette de rigueur. Dans la structure sommairement équipée, quatre hommes en autour d'une table. D'un côté de la table, l'ours et la crevette, aussi connus sous les sobriquets de Wally et Arnold. Un duo qui serait bien comique si, l'espace d'un instant, l'on omettait et la force marmoréenne de l'ours, l'intelligence de la crevette et l'absence totale de sentiment moral de deux créatures. De l'autre côté de la table, deux animateurs des lieux, habillés avec goût et simplicité, encaissant sans ciller l'arrivée des nouveaux maîtres et leurs volontés. Arnold, toujours ainsi fluet dans sa tenue de pilote de course délirante, commence par les condoléances pour la perte tragique de leur mentor spirituel, puis assène les instructions qu'il se doit d'exécuter en tant que représentant légal de l'actuel actionnaire majoritaire. - L'école fermera aujourd'hui pour dix jours, le temps de réaliser de nouvelles salles pédagogiques et ce, afin d'intégrer plus d'élèves. Ces derniers seront provisoirement logés dans un hôtel très discret, non loin de là. Et dans la foulée, l'actionnaire majoritaire aimerait revoir certaines composantes de la hiérarchie, et créer un comité de pilotage avec une nouvelle équipe. Tout sera fait pour que le changement soit bénéfique pour tous. Des questions ? Les deux hommes, trop préoccupés à retirer quelque pouvoir de cette catastrophe qui emporte leur Eglise, acceptent leur sort sans broncher. Sans chef charismatique et sans argent disponible, ils deviennent dépendants de leurs nouveaux administrateurs. Et comme ils sont toujours axés sur leur doctrine apocalyptique, ils demeurent assez illuminés pour assumer leur détachement. Ces disciples s'occuperont d'informer le personnel et de préparer toute la pension au départ. Les autocars ne devraient pas tarder. Sans une poignée de main, ils sortent du bâtiment éphémère. Anorld se tourne vers Wally - Fin du deuxième round. C'est tu sais qui qui va être content. Wally acquiesse d'un sobre "Yes" Arnold reprend - Et dès que nous aurons arrangé l'endroit, sans oublier la nouvelle entrée secrète, pourra commencer le quatrième round. J'ai hâte d'y être ! - ... mmh? Ouais moi aussi ! ... Bon, choupinet on va manger ? Le même matin, dans ce qui fut autrefois le deux-pièces de Shaz. Wiou wiou wiou wiou. Des sirènes et des cris d'enragés me sortent brutalement de mon rêve mystique tordu. J'ai allumé le vidéoproj' en écrasant la zapette avec mon pied. Reportage de la chaîne américaine d'informations qui parle d'une guerre civile en France, orchestrée par des groupuscules islamistes. Une france située du côtée de l'Albanie. Mais qu'est-ce que c'est que ce délire ? Je ne reconnais rien, ni ma ville, ni la télé, ni ma rue, ni même ma chambre. Pire encore, je ne me reconnais plus moi-même. Je n'ai même pas envie de savoir comment le Conseil s'y est pris pour me retourner toute la baraque. A supposer que ce soit bien la mienne. Maintenant, si je ne suis pas couché de ce qui était ma chambre, il devrait y avoir un deuxième Shaz dans ce lit... à moins que cet autre Shaz soit encore bloqué quelque part entre les abysses de Paris et la planète de givre... ou alors... mon arrivée dans cette réalité a effacé le Shaz d'origine ou l'a renvoyé dans MA dimension...ou alors... A repenser à tout ce qui m'arrive, j'ai l'impression que je peux influer sur la réalité depuis que j'ai perçu les lignes de forces or et lilas... Je ne devrais pas trop penser à tout cela si je ne veux pas avoir mal à la tête dès le réveil... Je décroche le combiné du téléphone. Ma messagerie vocale me parle de ceux qui s'intéressent à moi en mon absence dans cette réalité. Vous avez... 3... nouveaux messages. Un client très zen me rappelle qu'il n'a toujours pas de nouvelles de son dépliant pour ses séminaires de relaxation. Le supersushi bar de livraisons à domicile me fait une offre top-géniale à 12,99 euros pour le midi. Et enfin un certain Grim se rappelle à moi que je passe le voir un de ces quatre... Quand je raccroche, mon ordinateur plante et me plonge instantanément à l'age des cavernes. Et je sais parfaitement qu'à ce moment précis... eh bien comment dire... c'est exactement ce que je voulais. Je vais fermer les yeux et ne penser à rien. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai comme l'intuition que le Haut Conseil va me pourrir l'existence avec une nouvelle épreuve d'ici peu... Ding ding ding !! Qu'est-ce que je vous disais...
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26 novembre 2005

Chapitre 16 – La revanche des Cités

L'univers danse sa folle sarabande, et les corps célestes, tels des gouttes d'eau sur la vitre d'une voiture en marche, glissent, se téléscopent, fusionnent, font des sauts de cabris et accélèrent tour à tour. Les soleils deviennent des spermatozoïdes éclatants qui tourbillonnent sans logique apparente. Et puis, imperceptiblement, l'univers reprend une semblant de cohésion. Les amas d'étoiles s'ordonnent gentiment, les planètes reprennent leurs orbites habituelles. Dans ce cosmos assagi, ma conscience peut enfin se dégager et réintégrer mon corps, qui étonnamment ne me fait absolument pas souffrir. Une petite voix intérieure me questionne : - Comment vas-tu ? Tiens donc ! Ce bon vieux Général Pyjama - Tu m'as manqué Ackbar, je te croyais perdu. - Et bien non. c'est toi qui a disparu... - Combien de temps ? - Bien trop longtemps. Tu peux te lever ? - Essayons pour voir. Un léger vertige m'envahit, mais je reprends de la lucidité avec l'air frais du dehors. En ouvrant les yeux, je vois un trottoir, puis en les levant, je tombe sur l'entrée d'une un église russe orthodoxe. En revanche, la rue ne me semble pas typiquement parigotte. Je fais quelques pas vers le carrefour quand j'aperçois, qui dépasse au-dessus des toits, l'ange de la Place de la Bastille. Quel soulagement, au-moins ce Paris ressemble au mien ! Et puis je dois reconnaître que je reviens particulièrement près de chez moi pour mon billet de retour. J'ai une faim de loup, je vais vite voir si les tartines baguette sont ressemblantes à celles de mon monde d'origine...et si ils acceptent les euros (j'ai toujours un billet de cinq froissé au fond d'une poche). Je ramasse un journal gratuit qui dépasse d'une poubelle. Un garçon déjà fatigué prend ma commande de thé et de tartines. Je me plonge dans le canard. Et c'est là que j'accuse le coup en découvrant la date imprimée. Cinq jours entiers se sont évaporés. Et j'ai peur de découvrir que ce que je vais trouver sur ces pages ne correspond pas à ma réalité. La une du canard parle d'écoles et de voitures brûlant un peu partout. Le gouvernement va décréter l'état d'urgence, comme pendant la guerre d' Algérie. On parle du malaise des banlieues, du chômage, de la polygamie, de l'échec de l'intégration. Le tout sur fond de démission du premier flic de France. Flic qui, d'un autre côté, fait interdire secrètement la sortie d'un livre à propos des amours de sa femme. Pour le coup, si tout semble plausible et compatible avec mon vécu, j'ai la désagréable sensation d'avoir débarqué sur la mauvaise Terre. Je tourne les pages sur d'autres nouvelles. Abigaël, le fondateur de l'Eglise de l'Ultime Apocalypse est mort dans de mystérieuses circonstances; l'expo Star Wars à la Villette cartonne; la dernière grève des transports est passée inaperçue et un nouveau jeu fait fureur, le Sudoku. Je décide de grimper dans un bus qui est en tant pareil à celui que je prenais encore pour rentrer à la maison. Je détaille discrètement les visages des voyageurs. Ils ont l'air un rien plus tendus et fermés qu'en mon souvenir, avec les mêmes têtes de parisiens effacés. En descendant à mon arrêt, j'ai un nouveau choc visuel, des parcmètres ont poussé tout le long de ma rue. Le doute s'empare un peu plus de ma raison défaillante. Suis-je dans la bonne réalité ? Mon voilà au pied de mon immeuble. Le code... ouvre la porte. Je respire un grand coup. Tout semble pareil et pourtant tout a changé. A commencer par moi. J'ai la sensation que le hall de l'immeuble a rétréci. Et que ce bac de plante n'y était pas. L'ascenseur aussi a rapetissé. Voilà ma porte à présent. Et la clé opère sans problème. Une grande bouffée de joie me submerge alors. Car je ne pense qu'à une chose, en fait toujours la même, depuis plus d'une semaine... dormir !!!! Et là, patatras, c'est le coup de bambou. Ma joie du moment se mue en angoisse totale. Je ne reconnais rien, mais rien de rien de ce qui fut mon chez moi. Le parquet dégueule de robots, toutes les étagères sont pleines à craquer d'individus qui lèvent les poings et brandissent des armes. Il y en a partout. Si c'est moi qui les ai chinés, je sais bien que ce n'est pas moi qui les ai mis là... C'est pas bon ça, pas bon du tout... Et je n'ai pas la force d'y faire face. - Shaz, tout nous raconter tu dois, me dit Yoda en guise d'accueil, du haut de son Conseil. Un Grand Conseil qui heureusement, n'a pas bougé de place. ... - Shaz ? Je ne réponds pas. Je zappe. Je sors le Général Ackbar et le lâche au milieu du Conseil. Le pauvre n'aura pas grand-chose à leur dévoiler. Comme les robots de la place, je suis sans réfléchir la trace qui relie l'entrée à ma chambre. Chambre elle aussi peuplée de jouets. Je me jette enfin sur le lit et tombe dans la seconde dans un rêve effrayant où je suis assis, un teckel aveugle sur les genoux, et où j'assiste, dans un salle secrète de la secte de l'Ultime Apocalypse, à la mise à mort rituelle d' Abigaël par décapitation.
16 novembre 2005

Le Jackpot - Chapitre 15

Ce qui fut autrefois le deux-pièces de Shaz s'est presque entièrement reconfiguré. Le très visqueux et fumeux Jabba le hutt s'est vu attribué, avec divers autres rebuts de l'espace, son domaine dans les toilettes. Qui sont devenus, de facto, les territoires tribaux. Ce qui fut le salon du deux-pièces est devenu la Grande Terre, avec son centre industriel, pièces détachées à profusion, outils de réparation, colles, assemblages en attente... Ce qui fut autrefois la chambre est désignée à présent comme étant le Sanctuaire. Seules les figurines et poupées d'enfants, d'anges, de chats et de gentils animaux tout plein y sont admises. Quand aux autres, humains, robots, aliens, super-héros et démons de toutes sortes, ils ont pris place partout ailleurs. Cependant, le Grand Conseil a dû se résoudre, pour la poursuite d'un minimum de circulation humaine dans les lieux, à créer une ZMID, une Zone de Moindre Importance Décisionnelle. Un camp de réclusion pour tous les êtres douteux, super-vilains aux membres manquants, robots voyous aux discours hermétiques et autres bestioles malfaisantes. Un dépotoir de véhicules, roulants ou volants, dépieutés ou calcinés, en attente de recyclage. Une poudrière qui menace de renverser l'ordre établi. Si le locataire des lieux se trouvait sur notre planète, il entendrait toutes sortes de choses... tout et son contraire. - Notre fondamental sera toujours égalitaire ! - Mensonges ! Halte au clientélisme ! - On sortira jamais de la ZMID ! - Assez de compromis hypocrites avec le Conseil !! - Tolérance zéro pour les zombies rebelles ! Ces discriminations, et le cortège des colères qu'elles suscitent, soulèvent de vifs débats au Conseil. - Et que ferons-nous si Ackbar et l'humain ne rentrent jamais plus ? demande Hammerhead tout à trac. - On pourrait envoyer un explorateur par télékinésie... lance Albator. - De n'aller bien loin, j'ai peur que nous ne puissions... répond le Yoda Maître. - Le temps joue contre nous, assène Sidéro à l'assemblée, il nous faut anticiper l'attaque qui se produira très prochainement. Yoda semble approuver. - Dans ces temps incertains, absolument préserver l'espoir nous devons... Ackbar n'est pas perdu... Ailleurs. Dans une galaxie très très lointaine, au coin des catacombes. Sur la planète du château de givre. Comment puis-je décrire cette salle de tous les possibles ? Comme la Boite de Pandore ? Le Loto Cosmique ? Et où donc est mon deux-pièces parmi cette multitude de mondes ? Qu'est ce qui pourrait bien se passer si je me gourais bêtement de sortie ? Je bouleverse le karma universel ? Je me goure et la bonne planète, la bonne réalité, la mienne - qui, entre parenthèses ou entre tirets, est déjà bien spéciale depuis peu - est justement la planète d'à-côté. Ou alors celle parfaitement à l'opposé. Autant ne pas trop réfléchir, ça n'aidera absolument pas. Me voilà donc en lieu bien paradoxal, je suis réduit à la taille d'un jouet, dans un château haut comme trois pommes, et pourtant je contemple des planètes bleues, avec chacune sa histoire, des millions de milliards, en rang d'oignon, et pas plus grosses que mon poing... et pourtant... à côté de cet ange du château de givre, la belle Ashanti, flottant gracieusement dans cette boule de neige féerique, je me sens prodigieusement grand... avec le pouvoir d'aller sur n'importe quelle réalité... - On peut se rapprocher un peu...? je demande timidement. - Un peu alors, répond Ashanti dans un sourire énigmatique. Fabuleux ! Les planètes grossissent, lentement mais sûrement, et dans le même temps elles s'écartent les unes des autres ! Je peux aussi apercevoir des systèmes solaires miniatures. Et je finis par ne plus distinguer les parois de la voûte qui se perd dans des fluides argentés... Chaque sphère nuageuse est comme une petit nid, un nid qui chatoie à sa façon. Je suis saisi par ma contemplation méditative et cette vision déformée... - Oui... continue... me susurre Ashanti, entrant en transe et rejetant sa tête en arrière. Je poursuis mon lâcher-prise. Le chatoiement des sphères reprend de plus belle, et dans le fond cosmique, tout doucement, se dégagent alors, presque sans le vouloir, les lignes de force. Des lignes de forces par milliers de millions de milliards. Ooh wahou... Elles sont partout, sans cesse en mouvement, traversant les planètes par bancs entiers. Ces lignes sont vivantes, vibrantes dans toute la gamme des couleurs. - Aoh. Intègre ce que tu vois, à présent, fait Ashanti. Sa voix, sa présence semble se fondre en moi, et moi avec elle nous nous fondons dans la boule... - Euh... oui... je continue... Je suis englué par ces myriades de tracés multicolores. Elles jouent entre elles, dansent, et, en se frôlant, elles échangent des teintes. Des frissons très agréables traversent mon petit corps de givre. Soudain, sans raison apparente, deux couleurs dominantes de lignes nous charment subtilement et nous attirent fortement vers elles. Il y a ce violet clair, un lilas très tendre qui est une caresse de plénitude, un violet fragile, timide, peureux même et si doux. Et, filant de concert, il y a ce jaune orange aux reflets d'or qui sème une odeur de force et de chance. Au plus profond de l'enchevêtrement de ces lignes, il y a cette lumière printanière, un petit lac au sommet d'une colline, des fleurs des montagnes, bleues et jaunes, à profusion tout autour. Il y a les rayons solaires qui jouent avec les eaux calmes. Il y a dans les frissons de la terre et du vent de l'amour à foison. Dans notre adhésion collective aux vertus de ces deux teintes qui forment un tout harmonieux, notre être de boule glacée suit ses lignes et se rapproche d'une planète. Une Terre où les meutes de force du lilas et de l'or convergent. Terre qui, à première vue, est empestée de satellites, mais dont l'aura jaune et indigo semble encore forte... Nous tombons, aussi vite qu'on peut tomber amoureux d'une planète, nous tournoyons à toute vitesse et nous nous dissolvons en un flash à la sortie de la haute atmosphère...
5 novembre 2005

Univers parallèles - Chapitre 14

- Hé ! Mais que s'est-il passé ? Un peu hébété, je secoue la tête et des pellicules glacées s'éjectent, un peu à la façon du Yéti pour la pub Tic-Tac à la télé. Je contemple mes mains, devenues blanches et scintillantes comme neige au soleil. Ainsi que tout le reste de mon corps d'ailleurs. Et à côté de moi se tient la belle dame de givre, Ashanti. Qui est à présent aussi grande que moi. Je présume qu'en fait, c'est plutôt moi qui suis devenu aussi petit qu'elle. Je découvre l'intérieur de la boule de neige où je me tiens. Elle est constellée de minuscules cadrans, boutons et autres leviers. On se croirait devant le tableau de bord du Faucon Millenium, en version givrée. Ashanti se tourne doucement vers moi. - Accroche-toi, Shaz, je t'emmène dans le château. La fée de glace effleure une touche et la boule se met en mouvement. Nous nous dirigeons vers le château qui, à l'inverse de mon arrivée, se met à grandir. A grandir encore et encore. Nous n'avons pas atteint le pont-levis que l'édifice semble plus grand et imposant qu'une montagne. Une boule d'angoisse (et pas de neige) monte en moi et les sons cristallins dans l'air n'arrangent pas l'affaire, jaillissant alors telle un chorale symphonique. Nous franchissons l'entrée et filons dans un hall démesuré aux murs de glace. Sur ses parois sont gravés de gracieux symboles, des runes qui paraissent me parler du fond des âges fondateurs de l'Univers. Régulièrement dans le hall se découpent des arches non moins impressionnantes. J'ai la sensation soudaine d'avoir vécu ce moment, j'ai traversé ces mêmes portes lors de ma récente transe dans mon salon. Confirmant cette impression, voilà que les runes cèdent la place à un incroyable bestiaire, des anges, des licornes, tous taillés dans les glaces, des dragons et des fées, aux reflets inquiétants, comme autant de silhouettes intimement liées... Je distingue au bout du hall une lumière vive qui s'intensifie au fur et à mesure que nous la rejoignons. Ashanti attrape mon bras. - Ferme les yeux Shaz, nous approchons de notre destination. Je lui obéis et je perçois brusquement à travers mes paupières closes une forte, que dis-je, une très forte lumière. La symphonie cristalline prend de l'ampleur et devient un son suraigu insoutenable. Une fournaise m'envahit et me fait me recroqueviller sur place. La chaleur intense se mue en une énergie incommensurable qui s'empare de chaque fibre de mon corps. Mon instinct de survie se bat tant qu'il peut mais je sens distinctement qu'il n'est pas de taille à rivaliser contre cette force démentielle. La voix d'Ashanti me soutient. - Laisse toi faire, cela ne durera pas. Plongeant au tréfonds de mon âme, je cède toute vélléité de combat et je m'abandonne enfin à la force toute-puissante. Je me meurs. Très loin de là, dans un monde bien connu qui gravite autour d'une grande tour métallique qu'on appelle Eiffel, un téléphone portable noir, top tendance, se met à vibrer sur un canapé tout cuir. Une main délicate s'en saisit. - Oui allô ? - Salut Wally, c'est Luxkai. - Salut mon chouchou ! - Arrête tes conneries. Je t'appelle pour t'annoncer que j'ai reçu les actions que j'attendais. - Alors si le Mage a fait le nécessaire de son côté, nous devrions être à présent actionnaires majoritaires. - C'est parfait. La phase 2 de notre plan peut commencer. - A bientôt mon lapin. - Tu fais chier Wally. Allez, à plus. - Tu peux ouvrir les yeux. Je renais à la vie par la voix d'Ashanti. J'ouvre les yeux et je reste bouche bée devant le spectacle de ma nouvelle vie. A perte de vue, en largeur, en hauteur et en profondeur, s'alignent des planètes. Des planètes qui ressemblent plus ou moins à la Terre. Si j'étais au cinéma, je me croirais devant une scène du guide du routard galactique, quand il arrive à l'atelier de création de planètes. Je ne sais s'il s'agit encore d'une illusion d'optique, mais d'où je suis chaque planète ne semble pas plus grande que notre boule de neige volante. Je me tourne vers Ashanti. - Où sommes nous donc arrivés ? - Nous voilà dans la salle de tous les possibles. Tu as devant l'infini des mondes parallèles au tien. Sur cette Terre-là, fait-elle en tendant l'index, les flamands roses sont violets car les crevettes sont roses et bleues. Dans celle-ci, les dinosaures n'ont pas disparu, ils ont évolué et conduisent d'immenses avions. - Non ? Trop délire ! - Sur celle-là, tu ne collectionnes pas de jouets, tu es acteur de cinéma... - Ouais, j'adore !!! - Seulement le meilleur film jamais réalisé là-bas est plus débile que... - Brice de Nice ou les Power Rangers, ultime mission ? - Sans doute. - Ah oui, alors forcément ça calme. - Et dans cette Terre, tout au bout là bas, l'autogestion anarchique a supplanté toutes les religions et les hommes vivent un âge d'or... - Oh woaa! Là ça donne envie. On peut y aller ? - Si tu veux y passer le restant de tes jours, pourquoi pas ? Tu peux aller sur n'importe lequel de ces mondes, pour revenir c'est une autre histoire... D'ailleurs... - Non ! Ne me dis rien, s'il te plait... Je commence à prendre l'habitude du voyant rouge qui clignote frénétiquement dans ma tête. Je ne saurais dire comment, mais j'ai développé en un temps record cette espèce de sixième sens qui me dit "Votre attention s'il vous plait ! Les embrouilles dans dix secondes !". Et en réfléchissant un peu, je devine de quoi il peut s'agir. - J'ai compris. Parmi toutes les planètes que j'aperçois, je vais devoir trouver celle qui m'appartient pour mon chemin du retour. - Oh Shaz, je suis réellement impressionnée, me répond la dame de givre. - J'espère que tu le seras encore plus quand j'aurais choisi... Il ne me reste plus qu'à décrocher le jackpot, avec une chance sur des millions de milliards...
26 octobre 2005

Le château de givre - Chapitre 13

Je saute de mon fauteuil-main et m'approche de l'édifice de glace. Dans l'air, les sons cristallins carillonnent de plus belle. Mais quelle n'est pas ma surprise, en me rapprochant peu à peu du château de le voir rapetisser... Quand je me trouve juste devant, il n'est, en fait, pas plus grand qu'une bête cabane de jardin. Pourtant, ce château miniature est magnifiquement ouvragé, avec ses donjons, ses remparts crénelés et ses moult meurtrières... Le pont-levis s'abaisse et surgit une sorte boule de neige volante qui s'arrête à hauteur de mes yeux. Un reflet bleu acier court sur la surface neigeuse de la boule et dévoile en son sein une toute petite femme, toute de givre vêtue. Cette femme, au teint de glace, aussi grande qu'Ackbar, possède de jolis traits et une longue chevelure blanche. Enfin, vous m'avez compris, longue pour sa taille à elle. - Sois le bienvenu Shaz, me fait-t-elle de sa drôle de voix. Je suis Ashanti. - Ashanti ? Ah c'est gentil. Au stade où j'en suis, je ne m'étonne pas qu'elle connaisse mon prénom. Je n'ai pas pu m'empêcher de faire l'andouille, mais je ne sais pas pourquoi, la sensation d'un danger impalpable ne me quitte pas. Je reviens au présent. - Pouvez-vous me dire sur quelle planète nous sommes, Ashanti ? - Tu n'as pas quitté la Terre. Cet espace peut se définir comme... une dimension intermédiaire, entre le monde que tu connais et d'autres réalités existantes. Ici se trouve la source de tous les rêves. Et tu as pu y accéder grâce à tes facultés mentales très particulières. Seulement... Bip bip bip. Revoilà l'alerte rouge qui vibre dans mes neurones vacillants. - Oui, seulement quoi ? je reprends doucement. - Seulement en venant ici, tu modifies l'équilibre des univers coexistants et... Oh la la! Que va encore m'annoncer la fée boule de neige ? - Et quoi d'autre ? - Repartir sera plus délicat que venir ici. - Mais pourquoi ? - Parce qu'il te faudra trouver la sortie par toi-même, comprendre qui tu es et appréhender le combat qui se livre sous tes yeux. Je ne dis plus rien. Je pense que cette fois-ci je suis vraiment mal, pour la bonne et simple raison que je ne comprends rien. Rien de rien. D'ailleurs, je ne maîtrise rien depuis qu'Ackbar et ses copains du Grand Conseil se sont mis à me causer. Je ne sais rien de leurs intentions, pourquoi j'ai dû aller en Normandie acheter un Yoda à cape blanche et un Hammerhead, pourquoi j'ai du remplacer comme un voleur un Scrameustache par un autre, pourquoi le Haut Conseil se méfie du mystérieux Ali, pourquoi les témoins de l'ultime Apocalypse ont sonné à ma porte, pourquoi j'ai du m'enfuir à toutes jambes par le sous-sol de mon immeuble et comment j'ai pu atterrir ici. Je ne suis sorti ni de l'auberge ni de ce monde de givre. Je suis totalement givré et largué. Je tombe à genoux dans la neige et je me prends la tête dans les mains. - Madame Ashanti, aidez-moi, donnez-moi une bonne nouvelle, je vous en supplie. Je ne suis que le jouet des jouets. Je suis un esprit fragile avec lequel les dieux ou les démons s'amusent. Je crois bien que je vais m'endormir par terre et ne plus me réveiller. Je suis perdu. Ashanti me murmure un ultime message. - Tu es loin d'être perdu, tu es une passerelle... Je suis une passerelle ? Je suis une passoire plutôt. Mais... mais oui ça y est ! Ça me revient maintenant... c'est ce que me disait le Général Calamarien à Honfleur. " TOI, tu es la passerelle entre le monde manifesté et le monde de notre conscience à nous." Et à présent, ce sont les paroles de Yoda qui ressurgissent, celles qu'il a prononcées avant la transe cosmique que les jouets avaient provoqué chez moi. "Plus la symbiose tu opéreras, plus les lignes de force tu dégageras... De ce que tu crois savoir, t'affranchir tu peux. Te laisser guider est la seule clé. A toutes tes questions et bien plus encore..." Je me souviens nettement de ce voyage mystique, des présents, passés et futurs possibles comme autant de bras de la spirale cosmique. La peur mêlée à l'espoir me submerge à nouveau. Serait-ce vraiment aussi simple que cela ? - Je crois que j'ai trouvé, dis-je timidement à Ashanti. - Qu'as-tu trouvé ? - Que je suis le carrefour de l'Humanité, quelque part entre l'innocence des enfants et la volonté des adultes. Et que me laisser guider est la seule solution. - Ah ah... fait alors la fée d'un ton enjoué. Elle décolle alors de sa boule de neige et vient se poser sur ma tête. Et je sens une aiguille de glace qui transperce mon pauvre cuir chevelu pour électriser ma colonne vertébrale. Sans pouvoir résister, je tombe au ralenti sur le château de givre qui s'illumine de mille feux et m'éblouit...
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17 octobre 2005

Jeux de la mort - Chapitre 12

Une mosaïque d'écrans s'agite sur tout le mur de droite du loft qui surplombe la cité. Le son est coupé, mais cela ne gêne pas le spectateur qui peut lire sur les lèvres. L'interlocuteur de Wally, celui qui se fait appeler le Mage, pose son verre d'eau sur la table basse. Notre homme s'extirpe de sa bulle et étire doucement son corps parfait. Son regard ne distingue plus les lumières de la ville et les images qui défilent contre le mur. La guerre, les inondations, les prises d'otages, les grèves, les assauts de clandestins, les tremblement de terre et les explosions se dissolvent en un fondu au noir. Après être resté un long, très long moment, les yeux fermés, bras tendus au-dessus de la tête et en équilibre sur la pointe des pieds, le musculeux Mage enchaîne des reptations étranges, auxquelles succèdent de nombreux katas, des suites de coups de pied et de coups de poing, toujours plus rapides. Il exécute enfin d'improbables et périlleux sauts carpés et tendus. Accroupi, l'homme reprend rapidement son souffle, se détend comme un diable et saisit une barre noire qui traverse le loft en largeur à trois mètres du sol. L'athlète tourne autour de la barre, se stabilise tête en bas, jambes collées et passe à l'équerre au ralenti. Il entame alors une série de tractions, relâche sa prise, reste un instant comme un pantin sans vie, et recommence. Et recommence encore. Dans le petit deux-pièces du seizième arrondissement, les membres du Grand Conseil se remettent tout juste de l'effort psychique fourni pour contrer l'assaut. Leurs pensées se désengourdissent, s'étirent et s'allongent à l'infini, et se reforment enfin. Sidéro bipe trois notes et annonce à l'assemblée : - Le calamarien et l'humain ont dépassé notre limite de contact... - Nous sommes livrés à nous-mêmes ! s'affole le Scrameustache, - Nous ne pouvons absolument pas laisser notre situation stagner, reprend Hammerhead, il reste de nombreux frères extra-humains à déballer au plus tôt ! - Et sans Shaz, nous sommes impuissants ! glapit le Scramy - Pas nécessairement, le contre Yoda - Maître éclairez nous, lui répond Albator. Le Maître prit une pause et souffle : - En osmose télé-kinésique, opérer nous devrions... - Vous voulez dire qu'on pourrait libérer nos frères par notre simple volonté, fait Hammerhead ? - A la seule condition que tous ici participent, y arriver nous pouvons. - Alors, fit l'alien à tête coudée, commençons donc par l'homme des sables sur la table basse du salon. - Fort bien, membres du Haut Conseil, sujets humains, extra-humains et androïdes, que se concentre à présent chacun... - Et c'est parti... ne peut s'empêcher d'ajouter Scramy sur son socle. Les jets d'eau froide de la douche s'arrêtent, au bout de six minutes, fidèles à la programmation indiquée. Le Mage compte mentalement. Un. Deux. Trois. De petits cours d'eau filent et roulent encore sous les muscles saillants du Mage. Quatre. Cinq. Six. Il sort de la douche, saisit une serviette et se frictionne le corps en commençant par l'entrejambe. Sept. L'homme sans nom effleure une touche au mur et les moniteurs muraux du séjour s'éteignent. Neuf. Dix. Onze. Il passe dans une pièce adjacente, une autre pièce toute noire, où l'attend sur un banc de musculation une combinaison qu'il enfile en silence. A un jet de pierre de là, dans le même silence total. Les aliens, les dinosaures, les cow-boys et les indiens, les super-héros et leurs vaisseaux spatiaux s'extirpent l'un après l'autre des cartons, enfilent comme par magie le salon et l'entrée de Shaz et se posent sur les étagères. On s'occupe aussi de fournir un peu partout des armes, des missiles et d'autres défenses plus ésotériques encore. Hammerhead interrompt brutalement la concentration collective. - On va vite manquer de place, camarades. - On pourrait mettre Jabba le Hutt dans les toilettes, fait aussitôt le Scrameustache, il sera royal là-bas... avec toute sa cour... et pour sa sécurité... en prime... une paire de chasseurs de primes ! - C'est absolument hors de question ! lui rétorque Tête de Marteau. - Ah ah ah ! Je trouve au contraire l'idée excellente reprend Albator. Minuit et demi, du côté de Ménilmontant. Le bruit de la sono dans le hangar assourdit d'emblée les tympans de Luxkaï. "Ah ouais excellente idée cette déco rouge" lance le punk en tapant le bras du molosse devant la porte. Dans les lumières qui virevoltent, la crête slalome entre les fashionistas et les beaux gosses qui se toisent du regard. La crête repère aussi les plateaux remplis de petits-fours et les rangées de flûtes prêtes à se remplir de champagne, et le cerveau qu'elle surmonte se dit qu'on est loin des inondations et des camps d'immigrés illégaux. Luxkaï s'approche d'un photographe asiatique qui traine toujours dans ce genre de soirées. Il lui demande de poser, mais Luxkaï lui fait signe qu'il ne veut pas être photographié et sort un billet de 20. Le photographe colle son oreille contre la bouche de Luxkaï, puis se détache, hoche la tête et désigne l'arrière-salle enfumée. Les 20 euros changent de main. Vingt-et-un. Le Mage glisse ses dernières armes sous sa ceinture. Vingt-quatre. Il la boucle. Vingt-cinq. Il ferme son blouson. Vingt-six. Il consulte sa montre et s'arrête de compter. Le jeu de la mort peut commencer. Le coude de Luxkaï s'enfonce violemment dans l'abdomen imposant qui tentait trop poussivement de lui échapper. Dans l'indifférence totale des fêtards présents, son propriétaire s'en va rouler sur le canapé contre le mur. - Allez, rassieds toi donc, grosse raclure. Reste un peu avec moi. Tu vas pas me contrarier, après ce que j'ai fait pour toi ? L'homme, à moitié replié, se met à trembloter sur le canapé en skaï devant Luxkaï. - Je suis désolé Lux, j'ai fait mon maximum, mais j'ai que la moitié des actions que je t'ai promis. Luxkaï se rapproche brusquement de sa victime. - Ah ouais ? Et ma main dans ta gueule ? - Arrête, tu sais très bien que ces actions-là ne s'obtiennent pas facilement. La crête vient cogner le front gras de son interlocuteur. - Et c'est justement pour ça qu'il ne s'est rien passé, hein ma grosse bouse ? - Oui, oui enfin non, je ne dirai rien, tu penses... - T'as tout faux, en ce moment, je pense que... si tu veux partir de la teuf, tu ferais bien de te couvrir, ne va pas attraper la mort...
10 octobre 2005

Une galaxie très très lointaine - Chapitre 11

L’escalier se dérobe et je roule sur quelques marches. Je me relève aussi sec, mais la pluie de coups repart de plus belle. Des impacts à la tête, au tibia, à l'épaule, dans les lombaires, toute mon anatomie y passe. J'esquisse instinctivement des crochets, des coups de pieds fouettés et des ruades mais cela ne semble pas opérer. Les coups que je reçois sont font plus violents...

- ne réponds surtout pas ! me crie Ackbar, ne t'arrête pas descendre...

Des taches passent devant mes yeux à moitié fermés, je cherche un souffle qui ne vient pas. Je me replie et dévale les marches du mieux que je peux… Je tombe une nouvelle fois, engloutissant cette fois bien plus de ces foutues marches. Je m'arrête enfin, tout mon corps est en feu, tendu dans l’attente d’un nouvel assaut. Je reprends enfin ma respiration et quand je me prépare à redescendre, je constate du bout du pied que je suis enfin arrivé en bas de l'incroyable colimaçon.

Seules les algues indigo qui luisent ça et là me donnent un repère dans cet espace aveugle. J’aimerais bien savoir qui m’a agressé, je ne cesse de jeter un œil dans mon dos, ce qui n’est pas bien utile dans cette pénombre. Je m'enfonce, je brise un silence oppressant en me traînant sur le gravier pierreux. La galerie fait un coude qui débouche sur un nouveau boyau qui déchire faiblement l'obscurité.

Je reprends mon souffle. Le boyau se rétrécit et monte en pente douce. La lumière augmente je vois le bout du tunnel… J’avance encore, nimbé de lumière, quand une vague de chaleur monte en moi avec la nausée, un vertige soudain me saisit.

Je tombe à genoux... au bord d'une minuscule terrasse... qui donne sur... sur une galaxie très très lointaine...

22h00. Trafic nul. Indice Air Parif bon (2). Place du Général Stéfanik. A bord du fourgon noir, le fragile Wally se recroqueville au fur et à mesure que Luxkaï, l’idole déjantée de la scène techno-punk, balance sa crête, s'excite, et menace de péter un des écrans plasma qu'il frôle.

- Mais putain c'est pas possible ! Si tu crois que j’vais me laisser avoir par ces bâtards!
-
Mais calme toi Luxkaï, on va mettre tous nos moyens sur le coup...
-
Eh ben, moi j’te dis qu’on a vite intérêt à trouver le moyen de pénétrer cet espèce de champ de protection !
- On y arrivera, ce n’est qu’une question de temps…
- De toutes les façons, c’est pas moi qui prévient… qui-tu-sais…
- Pas de problèmes, je m’en charge (comme toujours d’ailleurs ajouta t’il pour lui-même). Arnold, nous allons déposer Luxkaï chez moi.
- Non non, c’est pas la peine, j’ai d’autres projets pour cette nuit.
- Comme tu voudras.

Luxkaï et Wally s’échangent alors une poignée de mains spéciale, un symbole de complicité entre initiés. Ils se rapprochent l’un de l’autre et se susurrent la devise de leur réseau : « Pour l’avènement du Prédateur ».

J'inspire un grand coup et je saute de la terrasse, porté par les courants. Et je me pose, au ralenti, devant une incroyable vallée, scintillante, brumeuse et enneigée... Le froid et les vents me saisissent. La gravité me semble amoindrie, je flotte plus que je ne marche. Des grands voiles filandreux roses et bleus ondulent dans les brumes blanchâtres.  Il règne dans l'air comme une odeur piquante de pamplemousse et de vétiver...

- Ackbar ! Dis moi Général où sommes nous ?

- ...

- Ackbar ?

-...

Me voilà seul dans cet univers glacial et saisissant. Des sons étranges mi-cristallins mi-industriels se répondent dans l'espace. En balayant l'horizon du regard, je distingue de gros rails bleutés qui dessinent d'immenses trajectoires courbes sur la neige et dans le lointain, de grandes formes qui évoluent gracieusement. Les figures, toutes argentées et hautes de plusieurs mètres se rapprochent. Ce sont des étoiles de neige, des papillons et des pantins articulés qui glissent sur les rails.

Les papillons et les étoiles passent devant moi, en un gracieux ballet. Les pantins, au visage poupin légèrement inquiétant, portent à bout de bras d'immenses sabres en or. Les titans argentés, au nombre de quatre, s'arrêtent en grinçant à quelques mètres de moi. Et voilà qu’un fauteuil chromé, moulé en forme de main, fend les brumes et s'arrête.

Le pantin à ma gauche abaisse son bras et désigne le fauteuil de son sabre.
- Euh… vous acceptez la carte orange ou bien je paie à l’arrivée ?

Mais comme je m’y attendais, le titan ne réagit pas. D’un bond, je réponds à cette invitation implicite et j’atterris dans la main d’acier. A peine ai-je calé mes fesses que le froid et la brise s’estompent. Dans un craquement, le fauteuil s’ébroue et s’avance dans la brume. Les pantins nous emboîtent le rail. De grands oiseaux au plumage gris clair crèvent le plafond nuageux pour accompagner notre convoi.

Je sais que je devrais me poser tout un tas de questions, sur ce qui m’arrive, comment je suis arrivé sur cette planète, et quel ce danger dont me parlait Yoda, mais tout ce qui me vient à l’esprit c’est « Pourquoi les femmes n’arrivent pas à se mettre du mascara la bouche fermée ? » ou bien « Pourquoi ils vendent les saucisses par dix et les paquets de pains pour saucisses par huit ?

C’est clair, pour avoir ce type d’interrogations en tête,  je dois être très fatigué. Mes paupières, devant lesquelles tourbillonnent les flocons de neige, se font de plus en plus lourdes… Depuis combien de jours je n’ai pas passé une bonne nuit de sommeil, je me le deman…

Retour en France, il est à présent vingt-trois heures passées. Enfouis dans un gros fauteuil globulaire, deux yeux perçants survolent la ville lumière qui s’étale devant l’immense baie vitrée. Des yeux aux pouvoirs insoupçonnés qui scrutent la cible, Babylone. Seul dans ce gigantesque espace dépouillé d’une couleur bleu nuit, l’homme voit sa méditation s’interrompre quand, sur la table basse devant lui, clignote une diode bleu indigo. L’homme tend la main pour saisir le combiné.

- Oui j’écoute.

- Bonsoir Wally. Quelles sont les nouvelles ?

- Eh bien commence par la mauvaise.

- C’est ennuyeux. Nous n’avons pas de temps à perdre…et pour la bonne ?

- Un super hacker tu dis, comment s’appelle t’il ?

- Si tu penses qu’il a le profil, évidemment. Je crois qu’il nous faudra toute l’aide nécessaire pour y arriver.

- Très bien, tiens moi au courant.

Un nouveau grincement me réveille brusquement. Le fauteuil main s’est immobilisé. Combien de temps ai-je fermé les yeux ? Il me semble que cela n’a duré qu’un bref moment. Me voici arrivé dans une sorte de grande clairière, au pied d’un magnifique château fait de givre…

 

 

2 octobre 2005

Premier assaut - Chapitre 10

Et voilà comment, sans être passé par la case dodo, j'entame la transformation du couloir et de l'entrée en antre syndicale robotique. Le typhon social s'est abattu sur Paris 16. Les étagères de l'entrée ne pouvant pas de toutes manières accueillir tous les droïdes, le Conseil s'est mis d'accord, après d'innombrables tractations, pour caser ce joli monde en majorité dans le couloir. Je précise qu'à chaque robot déballé, les revendications s'installent et enflent comme du bon pain... Les plus gros engins, les Daimos, Daltanius, Mazinger, Grendizer veulent tenir le haut du pavé, entendez l'étagère supérieure. Les R2D2, de leur côté, souhaitent naturellement occuper une place élevée, mais dans l'entrée. Ce qui leur est facilement accordé par le Grand Conseil. Je ne suis pas certain que l'astro-navigation soit une priorité du Conseil. Les Transformers, eux aussi groupés dans l'entrée, sont avant tout préoccupés pour l'abolition de la distinction entre le droïde et l'outil. Ce qui, à la réflexion, se comprend car ils sont tous hybrides; ils ont autant leur place parmi les jets, les motos, les tanks et les navettes que parmi les androïdes. Tout cela ne va pas sans relancer le Conseil dans d'intenses et secrètes réflexions pour regrouper ses sujets par fonction. Des guerriers aux astro-navigateurs, ou des mécaniciens aux simples nettoyeurs. A chaque fois que c'est possible, je dois de plus leur lever à tous les deux bras, en symbole de leur contestation, placer leurs missiles et leurs épées. Ah oui, j'oubliais, il me faut en plus les installer par ordre chronologique de fabrication en partant de la cuisine vers l'entrée, un cauchemar... 20h46. Trafic plutôt dense. Indice Air Parif 4. Porte Maillot. Revoilà LE fourgon noir tape à l'œil, avalant le périphérique extérieur, sur la voie de droite. Dans la cabine de contrôle, deux silhouettes se découpent, on distingue la frêle carrure de Wally et celle plus musclée de son invité qui porte une grande crête d'iroquois. Ils s'agitent devant leurs témoins clignotants rouges, verts et bleus. La grande crête se tourne brusquement vers la crevette. - Alors Wally, t'en es certain ? J'veux dire, t'es sûr que t'vas pas t' ramasser ? - Je suis très confiant. Notre précieux indicateur m'a confirmé le Sud-Ouest. Mais enfin mon cher Luxkaï, tu penses bien que je ne t'aurais pas dérangé sinon... - Mais non, mais non c'est cool man... - On arrive. Arnold, s'il te plait, sors à la Porte d'Auteuil. - Yes Boss. La nuit tombe sur mes pauvres nerfs bien éprouvés. Trop foireuse journée. Il m'est impossible de me rendre aux toilettes ou dans ma cuisine sans me faire copieusement hurler dessus par les nouveaux arrivants. La foule plastique et métallique de sans papiers que j'ai soigneusement installé toute cette foireuse journée. Je ne suis à leurs yeux que la marionnette complice de l'impérialisme du Grand Conseil... Esclave de jouets robots qui me traitent de marionnette, c'en est presque risible... Je ne sais pas pourquoi... mais je sens que cette nouvelle opposition syndicale va vite me saouler. A tel point, que j'envisage de ne plus manger dans la cuisine, voir même d'aller pisser dans mon lavabo... Je redoute le pire quand ce sera le tour de sortir de leur prison les super-héros, animaux, monstres, aliens et shnorkys en tout genre... 21h21. Trafic moyen. Indice Air Parif 3. Porte Molitor. Revoilà le fourgon noir stationné devant la piscine. Enorme tension à l'intérieur de la cabine. - Oh mais shneurk alors !! Je n'arrive pas à me verrouiller sur la cible ! J'te jure Lux, il n'est pas plus loin que le Parc des Princes. Hmmm... trop badant ! - Et que dit l'indic ? - Il répète que nos cibles créent une sorte de champ de protection très puissant... - Ah ouais ?! C'est plutôt vague comme info !!! Je viens à peine de mettre en place le célèbre chasseur de primes IG-88 quand une injonction emplit mon espace mental. - Alerte ! Alerte ! Shaz tu dois sortir de chez toi le plus vite possible ! - Quoi ? Mais qu'est-ce qui se passe ? C'est à présent un concert de voix qui s'y met. - Plus tard ! plus tard ! - Mais ça va pas ?!! Maintenant j'exige des explications ! - Négatif ! Pars immédiatement ! Yoda fait taire les voix et s'impose. - De pouvoir te protéger dans les instants qui suivent nous ne sommes sûrs... De plus en plus se rapproche un extrême danger…Emmène Ackbar et sors. Ton seul choix ceci est. Devant un tel aplomb, ce timbre de voix grotesque d'outre-tombe, je me tais. Je ne pense plus, je vole, je chope clés, blouson, portefeuille et mon Général Pyjama. SCHBLAAMMMmm. J'avale les escaliers. Déboulant au rez-de-chaussée, je me dirige vers le hall quand Ackbar me fait : - Non, non Shaz ! Surtout pas dans la rue ! Va dans les caves ! Je prends donc la porte à droite de l'ascenseur et je dévale encore quelques marches. Je marche le long des caves aux portes en bois. En passant devant la mienne, Ackbar me rappelle qu'il y a encore des caisses de figurines à remonter. Ça promet... - Prends la porte noire au bout du couloir, me lance le Général. Je n'avais jamais remarqué cette porte, à y regarder de près, elle semble bien plus ancienne que les fondations de mon immeuble. J'ouvre, je tâtonne pour attraper l'interrupteur, ça y est, je l'ai. Ouuh... un large couloir en colimaçon... Incroyable, les marches n'en finissent pas. Le béton crépi des murs s'efface sur de grosses pierres assemblées sans doute depuis des siècles. "Tours d'Ivoire… Œuf de l'Orbe … Clés Voltaïk… Colosse Phyrexian… Gnomes de cuivre… " Je déchiffre au passage ces drôles d'inscriptions sur les pierres. Si elles n'étaient pas taillées directement dans le granit avec cette calligraphie très gothique, je croirais à une plaisanterie. "…Draconian Cylix… Epée céleste… Manipulateur glacial..." Les murs ont fait place à des poutres grossièrement taillées étayant les entrailles du sous-sol parisien. "… Pentagramme de givre… Totem maudit…" La lumière baisse d'un cran, il n'y a plus qu'une ampoule sur trois qui fonctionne. - Continue, ne t'arrête surtout pas, me supplie mon compagnon Calamarien. Il y a sur les parois suintantes comme une vague luminescence bleutée qui trompe l'obscurité. L'atmosphère devient nettement plus fraîche et sombre. Ce ne sont pas les inscriptions qui me le suggèrent mais la buée que forme mes expirations ! "…Aube céleste… Idole chimérique… Catalyseur de Mana noir… Triskèle du lotus…" Je ne sais pas comment, je repense au Professeur Thanatos qui disait à Ali... "Ali arrête un peu avec tes conneries de catalyseur..." Les marches, creusées par le temps, se dérobent sous mes pas ; je suis quasi aveugle, je m'enfonce toujours plus dans cet inconnu poussiéreux, quand soudainement, les coups se mettent à me pleuvoir dessus.
30 septembre 2005

Typhon social - Chapitre 9

Cinq H + 30. Trafic fluide. Indice Air Parif 3 (bon). Perturbations hydrométriques à prévoir dans la journée. Porte de la Muette. Un fourgon noir un poil frime stationné au-dessus du périphérique. Une cabine de contrôle bardée d'ordinateurs et de moniteurs. Des visages qui défilent sur les écrans. Des diodes témoins jaunes, rouges, verts et bleus. Des logiciels de reconnaissance qui travaillent à la volée sur les tronches des conducteurs du petit matin. Une silhouette fine dans un survêtement noir s'agite. Froissement spasmodique de tissus et de chairs. Une main soignée éteint un à un les moniteurs, l'autre gratte un cuir chevelu. Regard furtif les écrans pour se détailler. Petite moue. Appréciation négative. Un murmure. "Je ne sais pas encore qui tu es mais je me rapproche, je le sens". La gorge qui se racle. Les doigts s'activent à remettre un foulard très chic en place. Un clic de talkie. "Allô Arnold on peut y aller." Un blanc. "On reviendra plus
tard". Nouveau bip de talkie. "You are the boss, Wally". Le camion décolle.

Cinq heures trente et une du matin. Porte de Choisy. J'en peux plus de chez peux plus, de chez peux pas plus. Après que le Prof eut quitté son cabinet et s'en fut dans sa chambre, j'ai pu enfin gagner le bureau, échanger les Scrameustaches et sortir de la maison sans trop de problèmes, courbatures mises de côté. En repassant la grille, non loin des poubelles... tout m'avait l'air tranquille ...

J'attends le premier bus d'un nouveau matin sur la Terre. Il y a de cela soixante
ans, au sortir de l'holocauste, l'homme s'est rêvé en humaniste et s'est construit le salon ONU. Dans les coupes de champagne et les costumes, des sourires et des promesses. Trop de promesses faites uniquement de sourires. La super nation d'Amérique voit s'abattre quatre ans après le Onze Neuf l'horreur de la fracture sociale sur son sol.

Les pieds d'argile du colosse s'effritent sous des corps gonflés d'une eau noire... Le gendarme du monde peine à sauver ses propres gens, Katrina la dévastatrice est à peine partie que s'annonce Rita plus terrible encore... Un autre matin est-il possible ? Moi qui hier encore n'étais qu'un sans grade, un sans problème de la Grande Babylone, que suis-je devenu ? Je ne me reconnais plus, je reconnais plus cette planète si belle hier encore. Serais-je subitement concerné par un univers plus vaste que le mien et par une approche nouvelle des choses...

Voilà le 22. J'y monte en présentant un bout de papier orange. Mes doutes reprennent. Plus je collabore avec mes nouveaux compagnons, plus les questions s'accumulent dans mon horizon psychique. A présent, qui suis-je ? Un héros de la cause du Grand Conseil des Héros imaginaires, fier et sûr de son combat ? Ou un otaku zombie devenu délinquant par pure psychopathie ? Un peu des deux, mon Général. Il n'empêche que je me sens plus mûr à partir de cette nouvelle aube...

A peine ai-je posé les pieds chez moi, que je suis convoqué par le Conseil...alors que je ne pense qu'à plonger sous ma couette. Le Conseil n'a pas la notion du sommeil, il faut dire... Ce n'est pas Yoda qui me parle, comme je m'y attends mais Albator, le corsaire de l'espace, qui m'apostrophe le premier.
- Excellent moussaillon, je sais que tu as accompli ta mission bravement ! Va te décrasser les mains et la figure et reviens devant nous...
- Euh...oui...Capitaine.

Décrassé, je reviens dans l'entrée. Albator réagit.
- Parfait, pose donc le Général Ackbar et le Scrameustache à leur place au Conseil. Je m'exécute illico.
- Merci de la ballade Shaz, me fait le Scrameustache, quand je le saisis, je t'assure que tu ne le regretteras pas.
La parole de Yoda s'adresse à Ackbar. Comme je n'ai entendu personne me congédier, il semblerait donc que je sois soit autorisé à assister à cette réunion au sommet.
- Général, puisque à présent le dernier membre installé est, en déduire qu'achevée est notre opération je puis ?
- Loin de là, répondit le Calamarien sans hésiter. Nos ennemis convergent sans aucun doute vers notre zone et je ne répéterai pas ce que je pense d'Ali.

Sans tout comprendre, je suis scié par la détermination émanant du grand stratège. Apparemment on n'a pas vécu les mêmes choses. Ackbar aurait-il capté des informations qui m'échappent ?

- Hmmm... Accomplir l'unité nous devons... Mais je laisse la parole à Sidéro.

La voix de Sidéro me parvient. Une voix différente de celle de la série télé de ma petite enfance, avec un accent japonais et un timbre de voix plus féminin.
- En présence de tous ses membres et en vertu de l'accord préalable sur ses statuts, je déclare logiquement notre Grand Conseil opérationnel. Il peut dès à présent exercer son autorité de plein droit. Ce qui m'amène à la déclaration tout aussi logique qui suit. Vu le nombre très majoritaire de droïdes entassés dans des conditions affreuses à rétablir d'urgence dans leur équilibre, nous ne traiterons d'aucun autre dossier avant d'avoir obtenu gain de cause. Même si nous avons conscience de notre situation très précaire. Et n'en déplaise à Maître Yoda, je demande la réquisition immédiate des quatre étagères devant la porte.

L'intervention de Sidéro jette un certain trouble sur les membres du Conseil.  Moi je comprends surtout autre chose.

- Excusez moi beaucoup, mais qui va vous les libérer les quatre étagères?  Parce que je vais me coucher!
- Humain, selon tes critères la journée vient juste de démarrer. Tu ferais mieux de te passer de dormir me répond Sidéro. Petit homme, avoir le privilège de servir le Conseil prime sur cet état végétatif que tu affectionnes tant.

17 septembre 2005

Nuit échangiste - Chapitre 8

Tu vas rentrer chez toi réfléchir à ton destin. Je vais rentrer chez moi réfléchir à mon destin. Tu vas rentrer chez moi méditer au destin humain. Tu ne vends pas de bâtons de la mort Tu vas rentrer chez moi sans te faire voir... Pour me regaillardir je cours dans les rues avec mon petit mantra de faux ninja qui n'arrive pas en voiture. Et pour cause, Titine, se faisant de plus en plus vieille, a refusé de démarrer. Le stress me fouette les sangs mais me tourne la tête, je n'ai ni assez dormi ni assez mangé. Et je ne fais pas, enfin, je ne fais plus de sport. Heureusement que je fume et que je bois peu. Je souffle, j'entre dans la Butte au Cailles. J'approche donc vers les trois heures et quelque du matin, de la rue des cinq diamants dans le treizième arrondissement de Paris.

Mis à part un braillement d'ivrogne dans le lointain et des quelques piaulements incertains, la rue est déserte. La maison que l'on m'a décrite sort tout droit d'un vieux film d'horreur, mais semble profondément endormie, bon signe. Maison de ce mystérieux prof Tanathos, ethno-physicien au CNRS qui aura bientôt le Scrameustache du carton N°6b sur son bureau. Si tout va bien...

Escalader la grille, ne pas se blesser sur les piquants est assez facile mais épuisant physiquement et nerveusement. Je ne pourrais l'affirmer, mais en basculant mon corps de l'autre côté, il m'a bien semblé voir une silhouette qui m'observait à moitié cachée derrière les rideaux dans la maison. Ça, pas glop du tout. Une parano circonstanciée ? Pfff...au moins le jardin est coupé de la luminosité de la rue. Je reste en arrêt, en apercevant une niche contre la maison. Je redoute l'irruption de quelque molosse, genre pitbull de tranceuse. C'est vraiment n'importe quoi de penser à cette folle maintenant. Rien. J'avance à pas de loup vers la bâtisse.

Je suis au pied du mur quand j'entends une voix dans ma tête :
- Alors ça te dérange pas plus que ça de me laisser ici ?
Mes cheveux se dressent et je reste pétrifié. C'est une voix miauleuse nouvelle et étrange. Le Scrameustache bien sûr. Mais une autre voix lui répond.
- Ce n'est pas le moment de te plaindre. Tu vois bien qu'il est au pied du mur. Il y va de l'intérêt général et il n'y a pas d'autre choix.

Ah...au pied du mur, toujours vanneur mon Général Ackbar. J'ai eu pour ordre de l'emporter avec nous, le Grand Conseil Provisoire l'a bombardé conseiller stratégique pour cette mission.
- C'est faux, répond l'alien chat, il en va de tes intérêts de Général mais Shaz a TOUS les choix, PAS VRAI ?
Le Scrameustache marque un point. L'honorable calamar Calamarien ne relève pas. Je me recroqueville contre la niche.
- Ecoute voir, Scramouse, je suis à moitié réveillé, à moitié endormi, à moitié plus fou que je n'étais déjà il y a trois jours...De toutes les façons, je t'avais oublié, je tai sorti du 6B où tu dormais depuis six ans et maintenant je t'emmène dans une maison dix fois plus grande que mon taudis, chez un professeur de talent super chouette..et dans un quartier résidentiel alors elle est pas belle la vie ?
- Si tu oses me sortir ce genre de réponse, c'est que tu n'es pas au bout de tes peines et que tu ne mérites pas de me garder.
- Mais...
- Je ne dirais plus un mot, fait le félin simiesque, va donc installer ton martyr...
Je soupire. Les nuits sont plus fraîches à présent. L'été s'en va...

Ackbar éructe.
- Concentrons nous sur la mission messieurs !
Comme un automate, je le relève d'un coup et escalade dans un ultime effort la façade poussiéreuse de la bâtisse pour arriver au premier étage, devant une fenêtre entr'ouverte. Je me glisse dans le noir, déboulant dans ce que je devine être un cabinet de toilette. De la lumière dans le couloir, j'aurais juré de la rue que tout me semblait éteint. Je garde mn calme en me figeant, j'entends des pas nerveux dans le couloir.

Une voix grave, dans la pièce d'à côté, parvient à mes oreilles.
- C'est dix fois plus dangereux que l'amazonie, ton délire Ali! C'est une voix de professeur, j'en mettrai mon Dark Vador au feu. Tiens, ça me ferait un jouet spectre d'Anakin.

La voix repart à la charge.
- Je te l'avais pourtant dit qu'ils étaient dangereux ! Nous sommes tous par ta faute déjà en danger de mort...et ce depuis des semaines !!! Les petits pas tournent plus rapidement.

- Ali tu m'écoutes, tu dois à tout prix te séparer d'eux ! Tu vas renoncer à tes conneries de catalyseur ! Allez file tu m'énerves ! Les petits pas s'éloignent dans le fond du couloir puis claquent dans l'escalier.
- Qu'est-ce que vous foutez là ? Sortez immédiatement du cabinet de toilette !!!
Et fouchtre !!! je me suis fait gaulé comme un naze.

Je m'imagine bien la scène, le Prof me tenant en joue de son fusil, appelant à l'aide, puis la police, les menottes, la cage puante au poste, ma vie gâchée en taule à plier de mes mains des invitations de soirées chic. Des flyers qu'hier encore je créais et je mettais en page, en toute liberté.

- Mais non c'est le Scrameustache, andouille, me fait Ackbar. Je proteste.
- Je suis désolé, c'est une voix qui lui ressemble mais pas la sienne...
- Ah ben oui, fait malicieusement la voix du singe chat dans ma poche, puisqu'il est l'autre Scrameustache...
- Vite, vite, mais tire toi !!! hurle justement l'alien du bureau.
J'obtempère et sors du cabinet pour foncer dans une pièce devant moi. La buanderie apparemment. Des pas lourds accompagnent une forte respiration du couloir vers le cabinet de toilette. J'ai évité la taule. Provisoirement. J'envoie une pensée vers le bureau.
- Bravo Monsieur le Scrameustache. vous m'avez sauvé, vous avez un super don prémonitoire.
- Eh non cher couillon, je suis juste cloué sur ce bureau depuis assez longtemps pour savoir quand Thanatos va pisser!

9 septembre 2005

Chapitre 7 - Sueurs froides

Wo ho ho mes amis... Il faut que je me re-saisisse un peu, ça va un poil trop vite pour moi. - Eh là! Est-ce que vous vous rendez compte que je viens de lourder deux allumés du bulbe qui me promettaient l'Apocalypse et VOUS, vous me parlez d'installer un Grand Conseil...dans mon entrée ! - Pas exactement, disons entre l'entrée et le couloir à gauche en entrant, me précise le Général Pijama. - ET pas sur n'importe quelle étagère, renchérit Hammerhead tête de pioche. - Ah ah ! Et laquelle désirez-vous ? Mon ironie tombe à plat. - La deuxième du haut en partant, poursuit le Yoda Maitre, ce Grand Conseil absolument nécessaire est. Ton chemin et le nôtre liés demeurent. Nous aider, afin de comprendre et de t'en sortir, tu dois. - Mais me sortir d'où ? La voix de Yoda prend une résonance particulière en mon cortex, quasi métallique. Chair de poule sur mes bras. - Du labyrinthe de tes passions contraires voyons. De ton désir t'être aimé et non plus jugé. T'en sortir par là où ta volonté inconsciente de nous appeler au secours t'a conduit. Plus la symbiose tu opéreras, plus les lignes de force tu dégageras. -Cher Maître, arretez vos ellipses mystiques, je vais péter un boulard...mais je pourrais aussi...tous vous donner à un orphelinat et basta !!! - Oh que non. Cette idée point bonne n'est. A plus de désordre, de folie et d'isolement tu te condamnerais. De ce que tu crois savoir, t'affranchir tu peux. Te laisser guider est la seule clé. A toutes tes questions et bien plus encore... J'aspire une grande bouffée d'air et je hurle. - C'est justement ça qui me fiche encore plus les pétoches que les coinços du météore !!!! Enfin du silence. Un silence pesant, plein de trois attentions réunies en une entité irréelle qui forme comme une bulle semi-transparente dans ma tête. Mais ce petit magma de conscience étrangère est bientôt rejoint par la concentration de centaines et de centaines d'autres entités distinctes mais unies, toutes celles et ceux qui se trouvent dans les cartons qui squattent toutes les places disponibles ici. Cette bulle de silence argentée qui enfle dans mes tempes se tend dans un sourd crissement cristallin. Je passe un instant affreux qui semble s'étirer vers l'infini, je ne sais plus si je suis mort ou vivant. Je ne sais plus rien. Dans ma tempête de crâne se succèdent à un rythme de plus en plus soutenu des figures géométriques multicolores d'une complexité incroyable.Toutes ces fractales sont remplacés par des runes, des silhouettes animales, des anges et des démons qui m'entrainent dans une succession de portes colossales. Brusquement, la bulle de silence se déchire au son d'une symphonie majestueuse qui semble flotter sur la voie lactée. Le présent, le passé et le futur sont autant de bras qui partent d'une spirale cosmique. Une paix immense m'envahit et je crois percevoir comme au travers d'un stroboscope des images qui sont des choix passés et à venir sur ma place dans le dessein de l'Univers. Je me trouve à un carrefour galactique qui déterminerait des chemins différents pour l'Humanité. Je me sens comme un minuscule ver luisant cosmique qui doucement, doucement s'éteint... La notion d'espace-temps réintègre ma conscience. Je ne saurais dire combien d'heures je suis resté étalé sur ma chouette moquette verte à peine tachée. La télé diffuse un sketch (de Merci Bernard) avec deux bourgeois vivant dans un quatre-pièces squatté par des clodos et des punks. Le sketch me fait une drôle d'impression, tant je m'y identifie. Je grogne en me relevant doucement et constate que la nuit, elle, est tombée à toute vitesse. - Aïeyayaïe... mais qu'est-ce vous m'avez fait ? Pas de réponse. Je titube jusqu'au lavabo de la salle de bains pour me passer le gant de toilette dans le cou et sur le visage. Ça va mieux, c'est passé. Retour au salon devant ceux qui m'ont fait si peur. - Ok j'ai compris, plus de questions, c'est promis. Grand Conseil, deuxième étagère en partant du haut. 3615 qui n'en veut ? La voix d'Ackbar me parvient difficilement. C'est simple, en partant de la gauche de l'étagère, tu placeras Maitre Yoda, le Scrameustache puis moi, au milieu tu poseras le robot lion, le jaune pas le bleu, sur le robot lion tu installeras Sidero, le petit modèle pas le grand, puis viendront Albator, Hammerhead et enfin Dark Vador, celui de ce matin. Je réfléchis, Sidero et Albator je vois, mais le Scrameustache.... Scrameustache... Ça y est je me rappelle, un genre d'alien mi-singe mi-chat, qui a l'air très joyeux. Je glisse vers mon ordi pour consulter ma base de données sur tous les jouets de mes cartons. Environ deux mille items répertoriés. Et encore y a pas tout. Ah oui j'en ai un de Scrameustache. Avec un socle triangulaire orange, acheté vingt francs il y a six ans. Noté pièce rare. Je retourne vers mon trium virat. - Bien, je crois que j'ai tout le monde, alors c'est parti. - Ce n'est pas fini, me lance le Calamarien. Ho oh. Alerte rouge. Je répète alerte rouge. Je me retiens de respirer. - Qu'est-ce qui ne va pas ? - Tu vas devoir emmener TON scrameustache chez le Professeur Tanathos de Rochechouard et l'échanger avec CELUI que tu trouveras là-bas et que tu nous rapporteras. - Ben voyez vous ça... Je laisse passer un ange. Sans doute un retardaire qui n'a pas passé toutes les portes. - Mais c'est du vol ! - Pas pour nous. C'est un simple échange standard. - Parce que celui que j'ai ne convient pas à vos plans. Yoda intervient, d'un ton sans appel. - Exactement. Dans mon état d'extrême faiblesse, je ne m'étonne que moyennement de ce qu'il me demande. Les loopings qui s'enchaînent dans ce psycho space mountain m'ont laissé sans force. Je ne me reconnais pas quand je reprends la parole et coasse : - Et je devrais y aller quand ? - Cette nuit, me rétorque Hammerhead. Cette nuit ? Ben celle-là, c'est la meilleure de la journée!
8 septembre 2005

Chapitre 6 - Surprises et mystères, la vie quoi...

Encore un réveil bien difficile ce matin. Je les accumule et mon organisme s'en ressent. Mes tympans bourdonnent encore. Et vous ne devinerez jamais la meilleure ? A vingt kilomètres de la capitale, j'ai crevé un pneu. Mon karma se chamboule à vitesse grand V. Evidemment, même accompagné d'un puissant Maître Jedi, d'un brillant tacticien Calamarien et d'un ténébreux Ithorien (je veux parler d'Hammerhead de la planète forestière d'Ithor), j'ai dû remplacer la roue tout seul comme un grand. La nuit fut courte. Avant toute chose, j'appelle ma mère pour lui souhaiter un bon anniversaire, elle me demande quoi de neuf, je ne sais pas ce qui me prend, je lui annonce que je suis amoureux, au cas où elle se douterait qu'il y a quelque chose de changé en moi. Dans un sens, je ne lui mens pas, puisque je ne suis plus seul ! Mais là où ça se corse, c'est de l'entendre ravie me répondre qu'elle a hâte de rencontrer la belle. - On a bien le temps pour ça, non ? je t'aime Maman et bon anniversaire. Je sors m'acheter du pain (complet) pour le petit-déjeuner. Chez le buraliste du coin, genre blond sournois bien peigné de cinquante ans au moins, qui travaille avec sa vieille mère, et que je soupçonne d'être un facho fini, j'achète le Dark vador à 1 euro dont la télé fait la réclame. En sortant de là, un type pressé me bouscule, seulement ce type, je le reconnais. C'est Grim. Grim l'info-geek le plus zarbi que je connaisse. Ça fait près de deux que je ne l'ai pas vu mais il me reconnait tout de suite. Il a la prunelle guillerette. Il me lâche, de son débit super speed : - Pas le temps maintenant, on se voit ici lundi soir, j't'invite chez moi, tu le regretteras pas. De la bombe je te dis, un réseau très puissant, un truc vaiment pas ordinaire. J'ai bien envie de lui dire que moi aussi, j'ai des trucs hors du commun à lui dire mais... - Cool. Ok à lundi. Taux de fiabilité de retrouvailles : 5%. Mais, d'un autre côté, ça me titille aussi de sortir, pour changer. Et même de mourir moins con pour le coup. Qui sait, son réseau à je-sais-pas-combien-de-megabits me changera peut-être les idées. Grim et Shaz se zappent comme ils se sont reconnectés. Revenu dans mon taudis, j'ouvre le blister de Vador et le prends dans ma main. Whaow! Il est lourd, normal, il est tout en métal. J'écoute mentalement ce qu'il aurait à dire, mais il n'a pas l'air très doué pour la communication. Outre sa respiration bruyante, tout ce qu'il trouve à ressasser c'est: "Où est mon maître ?". J'en demande la raison à Ackbar. Dark Vador ne peut pas être plus crétin que le Ken de Honfleur. Le Général m'explique. - La raison est simple, on a encore jamais joué avec lui. Et même s'il a été peint à la main, la personne qui l'a touché ne devait pas se sentir très impliquée. Peu de transmission de conscience depuis la création. La densité du matériau, le corps pas même articulé, ça joue aussi. Mais ça ne durera pas, crois moi. De toutes manières, tu n'aurais pas dû l'acheter. - Ah bon pourquoi ? C'était pas cher pourtant un euro. - Ce n'est pas une question d'argent et tu t'en doutes. Mais avec les autres, il nous mettra des bâtons dans les roues... - Mais quels autres ? Quels bâtons ? Quelles roues ?? Ça y est, j'ai mal à la tête dès le matin. L'univers complote sans relâche contre moi. - Il est encore trop tôt pour te le dire, tu dois d'abord défaire tes cartons de collectors. Mais pas n'importe comment. Ce qu'ils sont énervants à la fin avec leurs mystères. - Alors, cela attendra encore, car entre temps, moi le pauvre humain, j'ai un loyer à payer. Je laisse donc mes nouveaux amis de côté pour le moment, j'ai une pochette de disque pour de la musique instrumentale d'inspiration balkanique à finir. Je travaille avec la télé en bruit de fond. Dans mon esprit mystique et atypique, je vois ce matin les événements sur la planète se répondre comme un jeu de miroirs. Avec, d'un côté, un mouvement de foule en Irak noyant des centaines de gens et de l'autre côté, en Amérique, des centaines de gens morts eux aussi noyés dans une Nouvelle Orléans dévastée par les eaux et par les pillages... Est-ce que le malheur pourrait rapprocher ces deux pays ? En un sens oui, car de nombreux américains penseront que c'est le bon Dieu qui les a puni. Il faut dire que ces américains sont devenus tellement croyants... Mais qu'est-ce qui m'arrive à moi ? Je parle et j'obéis à des jouets que je cours chercher en voiture et que je délivre d'un kidnapping... Alors je n'ai de leçon à donner à personne. Ding dong. Tiens qui ça peut être ? J'ouvre. Un gars et une fille environ mon âge l'air faux-cul comme pas possible, vêtus façon Mormons (enfin style pas très fashion quoi). - Oui c'est quoi est-ce ? (je sais ce n'est pas français mais c'est plus fort que moi...) Le gars me répond. - Bonjour Monsieur, nous sommes témoins de l'ultime apocaplypse et nous sommes porteurs d'une excellente nouvelle ! - Ah voui ? - Mais oui! Vous entendez sans doute tous les jours parler du réchauffement planétaire, des tsunamis et autres raz-de marée... - Euh... mais un tsunami et un raz-de-marée, c'est un peu quasiment la même chose, vous savez ? - Eh bien, le réchauffement planétaire tant annoncé n'aura pas lieu ! - Chouette ! - Non car l'apocalypse est pour 2009, un déluge de feu s'abattra sur Terre et les justes seront sauvés. - Bon alors, on va pas regretter d'avoir perdu les Jeux de 2012. - Oh que non! reprend le gars toujours aussi sérieux. Mais vous pourriez alors regretter de ne pas faire partie des élus ! - Et regretter de vous avoir ouvert, ça compte ? - Ecoutez, je sens comme une pointe d'ironie... Pour le coup, j'ai bien envie de lâcher une caisse, histoire qu'ils la sentent bien, ma pointe d'ironie. Mais non, je me contrôle, au propre comme au malodorant. - Ah mais alors pas du tout ! Vous avez de la documentation ? - Tenez, voilà notre journal, tout y est expliqué, me fait la fille. Je me demandais si elle avait le droit de parler. - Ah c'est merveilleux, mes amis je ne vous mets pas dehors, mais j'ai du travail à finir, s'il vous plait ne revenez pas, ne m'appellez pas, c'est moi qui vous rappelle, si si c'est promis. - Alors on compte sur... Blam. Oh le vilain que je fais. Je ne leur ai pas laissé le temps de terminer. Oh ben, je pense ils doivent avoir l'habitude. Tout de même, qui les a laissé rentrer ? En fin d'après-midi, j'ai bouclé ma maquette et je l'envoie par courriel à l'artiste. Une maquette, qui je n'en doute pas, subira encore de nombreux changements avant impression. Bien, il est temps de sortir un jus de kumquats du frigo et d'en apprendre un peu plus des plans de Maître Yoda et des autres. Je me pose devant mes trois petits lascars qui me rendent soudain nerveux. - On commence par quoi ? Silence. Maître Yoda se racle les idées et répond. - Une étagère dans l'entrée tu nous consacreras. - Il en sera fait comme vous le désirez Maître. Et qui ira sur cette étagère je vous prie ? - Le Grand Conseil au complet avec de chaque section son représentant. - C'est évident.
3 septembre 2005

Chapitre 5 - Kidnapping

De retour dans mon épave ambulante sur la route du retour, je suis le témoin de bien étranges conversations entre mes trois passagers, j'ai nommé Maître Yoda, Ackbar et Hammerhead. J'ai la sensation étrange de ne pas être très intégré dans ces discussions à bâtons rompus. - Je suis persuadé que nos droïdes feront sécession... annonce Ackbar. - Les notres sans doute, mais pour les autres confiance j'ai...répond le Maitre Jedi. - Moi, je n'ai aucune confiance dans les non-alignés...siffle Hammerhead. J'en suis à ce stade de mes questionnements quand une masse indéfinie surgit devant mes roues. Je pile tout en faisant un écart. Je me retourne pour découvrir une fille, genre technotranceuse à grosses dreadlocks rouges, qui s'agite telle une furie avec un pitbull en laisse. Je comprends de suite qu'elle doit venir du technival qui se tient non loin de là, sur une base militaire. Elle fonce vers la voiture. - Emmène moi, emmène moi tout de suite ! qu'elle hurle. - Euh... oui bonjour, moi c'est Shaz. - C'est ça ouais, c'est ça ! Oh putain ils vont me tuer ! Ouh là. Je sens que je suis tombé sur du lourd. - T'es sûre que tu vas bien ? t'as pas bonne mine. - Mais j'ai rien pris, non j'te jure, j'ai rien pris ! me fait-elle en roulant des yeux comme des billes de loto. - Ecoute le mieux c'est que je t'emmène... - Pas les keufs! pas les keufs ! - Je voulais dire, que je t'emmène au Samu du technival. Tu vas pouvoir te détendre un peu... - T'as pas un portable ? - Désolé mais non, je... Je suis sur le point de lui expliquer que n'ayant pas d'amis ne sortant pas de chez moi, en dehors des brocantes, je n'ai pas besoin de portable. Mais je me ravise, je suis sûr qu'elle s'en tape. Nous voilà à l'entrée du technival. La fille re-crise de plus belle. - Arrête toi, arrête toi tout de suite ! - Ok, ok, t'excite pas. J'arrête la titine et là voilà qui part en trombe avec son pitt, sans un merci ni un au revoir. Je me rends compte qu'elle à laissé ses affaires sur la banquette arrière. - Hé ! t'as soublié ton sac ! Elle a déjà disparu dans la foule. Je passe au poste des objets trouvés pour le déposer. Je retourne donc vers ma voiture quand j'entends en moi la voix de Maître Yoda. - Subtilisé Ackbar ta passagère a. Absolument le récupérer tu dois. Eh bien bravo la tranceuse ! Je laisse mon épave roulante pour arpenter le technival. Ah la la, quelle ironie ! Moi qui m'étais juré de ne plus mettre les pieds là-dedans, je mange du decibel à la recherche d'une parka parmi trente mille autres. Trop facile ! Je croise de vagues connaissances de teuf, le genre à qui je ne trouverai rien à dire. Je passe mon chemin. Cela fait trois heures que je cherche, je slalome entre les sons, les canettes et les vomis avec une soupe de souvenirs merveilleux et moisis à la fois. Je suis tenté de gober pour oublier que je suis le seul dans ce festival à rechercher un jouet en plastique en pijama blanc et tête de poisson de douze centimètres de haut ! Quand soudain, ô miracle, j'aperçois ma voleuse, en train de mixer de la hard tech. Avec le Général Calamarien, imperturbable, qui trône entre les platines. La mixeuse me reconnait et me sourit. Elle a l'air de flotter sur un petit nuage. - Eh salut, qu'elle me fait, il déchire ce son, non ? - Si on veut, je réplique, moyennement convaincu et réfrenant ma rage, je suis venu te dire que ton sac est aux objets trouvés, tu t'en souviendras ? - Oh cool, t'as grave assuré man, restes un peu ste'plait, j'ai envie qu'on se voie après mon set, me fait-elle avec des yeux de biche. - Et bien moi pas du tout, et, au fait...ceci, dis-je en désignant Ackbar, ceci m'appartient et je le récupère ! - Oh ben flippe pas, c'était un petit racket de rien du tout. Je n'ai pas envie de poursuivre cette drague surréaliste et je repars vers ma caisse, vers ma maison, vers ma mission. Je pue la bière et le kébab et j'ai les oreilles en morceaux. Ackbar me parle. - Vous les humains, vous ne savez pas quoi inventer pour vous auto-détruire. - Oh mais de rien, ça m'a fait plaisir, tu penses. C'est pas la gratitude qui l'étouffe à lui non plus. Je boucle ma ceinture de sécurité et je déclare à mes trois passagers réunis. - Messieurs, euh... je veux dire, mes aliens, je vous entends très mal et je vais tâcher de nous ramener entiers sur Paris, alors s'il vous plait, nous reprendrons nos affaires demain si vous le voulez bien. Je mets en marche le moteur en priant pour que le sort ne s'acharne plus sur moi aujourd'hui. Je crois que j'ai eu ma dose d'émotions!
31 août 2005

Chapitre 4 - Sauvetage de Yoda - Aujourd'hui

Voilà voilà, à présent les esprits cartésiens seront partis et j'espère qu'il me reste un lecteur pour dire à ma pauvre mère que je ne suis pas fou. Il y a deux jours encore, ma vie était banale à pleurer, certes encombrée de vaisseaux spatiaux et de robots, mais on ne peut plus tranquille. Aujourd'hui, je suis en partance pour une mission des plus mystérieuses pour l'émergence d'une nouvelle conscience. Il est cinq heures du matin et je laisse ces lignes sur ce blog pour témoigner de ma peur, mon désarroi et de mon excitation mêlés.

Honfleur est un joli port de pêche très touristique, réputé pour ses galeries de peinture. Il est plus de sept heures et demie et je tourne autour de la brocante pour trouver où me garer. Au moins, j'ai pu "converser" un peu avec Ackbar pendant le trajet, même s'il reste toujours aussi enigmatique. Enfin, le Calamarien (originaire donc de la planète Mon Calamari) est plutôt ravi de voir du pays et même quelque peu ému à l'idée de rencontrer Yoda. Mais toujours pas de place de parking en vue.

- Gare toi où tu pourras, me fais le Général, tu n'as pas de temps à perdre.

J'obtempère et coupe le moteur. Et nous voilà donc à arpenter entre les stands des brocanteurs et des particuliers dans le jardin du port.

J'émets une pensée en direction d'Ackbar.
- Tu pourrais m'aider à trouver le stand puisque tu m'as amené jusqu'ici.
- C'est trop difficile. Je perçois Yoda mais son aura est noyée par tous les jouets qui sont en vente ici. Tu sais, leurs pensées découlent directement de ce que leurs créateurs ont placé en eux.
- Ah bon ? Et je peux leur parler à eux aussi alors ?
- Evidemment. Si tu peux communiquer avec moi, tu peux le faire avec TOUS les jouets de la planète.
- Attends une seconde, je vais faire un essai.

Je saisis sur un stand devant moi une poupée d'un garçon en bermuda, athlétique, bronzé et l'air un peu idiot.
- Salut mec, pensais-je, moi c'est Shaz.
- Salut Shaz, me répondit-il, avec un drôle d'accent, moi c'est Ken, tu veux m'emmener avec toi ? j'aimerais beaucoup aller sur le lac avec Barbie et Skipper dans mon camping-car...
- euh...non merci Ken, une prochaine fois peut-être.

Ackbar me ramena à la réalité, enfin à notre réalité devrais-je dire...
- Dépêche toi, il est déjà huit heures !
Oh merde, l'heure ! Je lâche Ken le crétin et me mets à courir, scannant à toute vitesse les stands. Et là, tout au bout des tables, je crois apercevoir une petite tête verte et ridée. Seulement voilà, mon rarissime Yoda se trouve emprisonné dans la main d'un garçon d'environ huit ou neuf ans. Je m'approchede l'enfant et du vendeur, un vieux normand au regard morne et crie, presque hystériquement, une bête phrase sortie tout droit d'un film de serie Z.
- Quelle que soit l'offre que cet enfant vous a faite, je vous en donne le double !!

L'oeil du vieux normand s'allume. Il se tourne vers l'enfant qui ne comprend pas ces enjeux d'adulte.
- Ah oui ? Et combien tu me donnes pour ce truc, petit ? L'enfant fouille dans sa poche et tend sa petite main innocente au marchand. Deux pièces d'un euro et une de cinquante cents s'y trouvent. Le marchand se tourne vers moi.
- Donc, si je calcule bien, vous m'en donneriez cinq euros ?
- Oui, les voilà. Le vieux empoche mon billet et s'adresse au gamin.
- Désolé petit, mais le monsieur m'a donné plus que toi. Donne lui le jouet, s'il te plait. L'enfant hésite. A cet instant précis, une voix calme et puissante se fait entendre entre mes oreilles.

- La même somme qu'au marchand à cet enfant tu donneras. Pas besoin de chercher bien loin, il n'y a que le fameux maitre Jedi Yoda pour s'exprimer ainsi, et pour me demander de dédommager le petiot. Je m'éxécute et je m'agenouille pour regarder le gosse dans les yeux.

- Tiens voilà cinq euros, je suis vraiment désolé mais il me faut absolument ce Yoda. On reste copains ? Le gamin attrappe mon billet et se tourne vers le marchand.
- Vous avez des Yo-gi-yoh?

Je regarde mon Yoda à ma cape blanche dans ma main. Il tient dans la main un étrange sceptre avec un rubis rouge surmonté d'une tête de mort.
- Dois-je t'appeler Maitre ?
- Maître tu m'appeleras et me vouvoyer tu devras.
- Très bien Maitre Yoda, peut-être daigneriez-vous éclairer ma lanterne ?
- En temps utile tout te sera révélé.


- Maitre Yoda, lance Ackbar, je devine la présence d'Hammerhead non loin, et il exige que nous l'emmenions.


- Imprévisible il est, réplique le Maitre, mais ignorer sa requête nous ne pouvons.

En effet, deux stands plus loin, nous trouvons le fameux Hammerhead, un nom qui veut dire tête de marteau (et qui désigne également en anglais le requin marteau). Si j'ai bonne mémoire, il ne fut rien d'autre qu'un client du bar malfamé de Mos Esley sur Tatooine. La figurine ne me dit rien, au propre comme au figuré. Il est trop...à part, même pour un non-humain. Autant il est vrai qu'Ackbar et Mapître Yoda me semblent dignes de confiance, autant le regard d'Hammerhead et son silence mental ne me disent rien qui vaille.

En regagnant ma voiture, je me remémore les paroles d'Ackbar concernant l'acquisition de Yoda et je me dis qu'il m'a côuté dix euros et non pas les quarante-cing euros. Seulement voilà, arrivé devant mon épave, j'ai la désagréable surprise de découvrir un PV de 35 euros pour mauvais stationnement. Cette prémonition hallucinante me fait froid dans le dos. Toute la trame de l'univers serait-elle déjà écrite ? Et comment ces petits morceaux de plastique pourraient-ils connaître à l'avance le cours des choses ?

Je dirige mes pensées vers Ackbar.
- Comment pouvais tu savoir à l'avance que l'amende plus le prix que j'ai payé, sans oublier la demande de Yoda de payer l'enfant, donnerait quarante-cinq euros ? Hein ?
- Ne raisonne donc pas en termes de savoir, réplique le Calamarien, oublie dorénavant ce que tu sais ou crois savoir. Notre destinée, même si elle nait de l'esprit humain, ne s'inscrit pas dans la logique humaine. Moi, Maître Yoda, Hammerhead, le Ken avec qui tu as parlé ou bien encore le Sidéro (le droïde de San Ku Kaï ) qui est chez toi, avons tous une place et un rôle bien précis. Nous ne nous reproduisons pas, nous ne respirons pas, nous ne mangeons pas, nous n'avons ni compte en banque ni effets personnels autres que ceux que tu peux mettre dans nos mains, mais nous pensons. TOI, tu es la passerelle entre le monde manifesté et le monde de notre conscience à nous. Tu as acquis cette conscience pour permettre à la notre de s'ordonner.
- Parfaitement le Général a parlé, conclut Yoda.
- Mais tout n'est pas encore joué, et de loin, nous coupe Hammerhead.

29 août 2005

Chapitre 3 - La quête

Après cette nuit hantée de rêves très glauques (comme celui où je me retrouve bombardé patron d'une salle de jeux vidéos dans une impasse glauque derrière la Gare du Nord), je me réveillai en espérant encore ne plus entendre Ackbar dans ma tête.

Après ma douche, mon thé vert à la menthe à la main, je m'assis en face de la figurine et demandai, ironiquement : Allô, y a quelqu'un ? Mais j'effaçai très vite mon sourire quand j'entendis de nouveau en moi la voix du Général des forces rebelles...
- Je t'attendais.
- Et moi j'espérai avoir rêvé, mais comme tu me l'as dit, ma conscience a désormais atteint un niveau si spécial...
- Comme tu as cette conscience, me reprit la figurine, tu te dois de faire très attention à ce que je vais te dire, car avant de déballer tes cartons de jouets, tu dois absolument commencer par retrouver le Yoda à cape blanche.
- Le Yoda à cape blanche ? Je me demandais si Ackbar ne se foutait pas de moi.
- Oui, tu as bien entendu. En 1980, une erreur de conditionnement dans la chaîne de fabrication des jouets Kenner a doté six figurines de Yoda avec une cape blanche de snowtrooper (les soldats de l'Empire à l'assaut de Hoth, la planète de glace), et il t'en faut absolument un.
- Tu permets que j'aille vérifier ?
- Oui je comprends ton incrédulité, vas y.

J'allais donc de ce pas dans ma modeste bibliothèque dédiée à la science-fiction et aux jouets et finis pas débusquer dans l'encyclopédie des jouets de la guerre spatiale, ce fameux Yoda à cape blanche. Six exemplaires sur Terre, côtés en boîte à 5000 dollars, tout de même !! Je me retournai vers le mollusque en plastique.
- Dis donc Ackbar, tu connais la côte des Yodas à cape blanche ? Je n'ai pas cet argent sur moi !

La lumière semblait jouer sur les yeux sombres d'Ackbar. Puis sa voix me parvint.
- Les côtes sont faites par des esprits sans coeur qui ignorent tout de nous. A nos yeux, ces catalogues sont de veritables manifestes d'esclavagistes ! Mais ne t'inquiètes pas, je sais où tu trouveras Yoda et que tu ne le paieras pas plus de quarante-cinq euros. Et je devine ce que tu te dis, que tu ferais une excellente affaire en le revandant, seulement... (il me semblait qu'une menace invisible planait au dessus de la pièce)
- Seulement quoi ?
- Si jamais tu le revendais, tu entâcherais ton karma de manière irrémédiable.
- Au secours ! Voilà une figurine de dix centimètres qui me menace, j'ai peur !!
- Je crois au contraire que tu ferais bien de prendre très au sérieux cet avertissement ...
- Ok, ok. Et où est-il ce fameux Yoda ?
- Demain à Honfleur, sois-y avant huit heures.
- A Honfleur ? Non mais ça va pas bien dans ta toute petite tête ? C'est à deux cents bornes d'ici.
- Je le sais. Mais tu n'as pas le choix. Ta nouvelle conscience l'exige.
- Ah ben merci du cadeau. Eh ben bonjour Honfleur.
- Et avant huit heures, c'est très important, car Yoda ne devra pas être vendu à un autre. Sous aucun prétexte.

- Ah ouais, sinon l'univers basculera du côté obscur.
- On peut le dire comme ça, en fait la conscience intérieure qui a émergé grâce à toi reculera à nouveau et les conséquences seraient bien fâcheuses.

A ce stade de notre "conversation", je ne riais plus. Soit j'avais déjà sans m'en rendre compte basculé du côté schizophrénique de la Force et il était trop tard pour me sauver, soit je faisais confiance à la petite voix d'Ackbar et ferai ce qu'il me dirait. Je choisis, in fine, d'aller à Honfleur le lendemain matin.

26 août 2005

Chapitre 2 - Révélations

A ces mots, mes genoux lâchèrent et je me retrouvais écroulé sur la moquette (vert pomme) du salon. Je ne me sentais vraiment pas bien, je soupçonnais une remontée d'une quelquonque substance d'un technival du passé et je me dis "Non non non, c'est pas possible.

Je restais prostré quelques instants et puis rouvrais les yeux sur Ackbar.
- Dis moi que j'ai halluciné, demandais-je en pensée à la figurine.
- Mais non, me repondit Ackbar, tu n'hallucines pas, au contraire tu as atteint un niveau de conscience supérieur afin de communiquer avec nous.

- Ah bon ? trouvais-je juste à répondre.

- Certes, reprit la figurine du général au creux de ma main, tu as modifié ta structure neuronale par tes expériences psychédéliques passées, mais c'est aussi le temps que tu as consacré à chercher, connaître et aimer les jouets qui fait que tu peux à présent nous entendre...

- Oui...

Je ne savais que penser. L'air semblait trembler devant mes yeux. J'ai reposé Ackbar sur la table basse du salon et le fixai dans les yeux.

- Ecoute, je sors faire tour, on se revoit plus tard.

Sans attendre de réponse de sa part, je pris les clés dans l'entrée et sortis. Une envie folle d'aller au Bois de Boulogne me saisit. J'y restai toute la soirée et une bonne partie de la nuit, agenouillé contre un chêne. Je me repetai qu'on avait mis une drogue dans mon verre à la buvette de la dernière brocante où j'étais passé, ou que c'était une expérience de services secrets qui testent des ondes hallucinatoires, que sais-je ? J'aurais bien voulu partager cela avec un pote, mais avais-je envie d'être pris pour un débile profond par mes proches ? Déjà que ma paranoïa m'inclinait à penser que j'avais une solide réputation de psychopathe défoncé...

Je revenais donc à reculons chez moi. J'aspirai une grande bouffée d'air et retrouvai Ackbar là où je l'avais posé, avec l'espoir de ne plus l'entendre. Peine perdue.

- Qu'est-ce que tu croyais ? me fit-il d'entrée de jeu, que tu avais rêvé ?
C'en était presque trop pour moi. Je décidai de prendre un peu de distance.
- Ça ne t'embête pas trop si on parle demain ?

Ma nuit fut assurément des plus agitées.

20 août 2005

Au commencement - chapitre premier

Je sais que les esprits cartésiens ne comprendront jamais mon histoire. Mais peu m'importe car pour moi il n'y a plus d'échappatoire. L'histoire commence donc par moi forcément. Le plus simple serait de vous brosser les grandes lignes de ma vie. Je m'appelle Shaz. J'ai la trentaine bien engagée, je suis célibataire, sans enfants, ni animaux ni plantes vertes, j'habite à Paris dans un quartier chic et je travaille comme graphiste indépendant dans mon petit deux pièces. Avant que tout n'arrive, j'étais un gros fêtard fan de techno, du genre à s'échouer trois fois par semaine à six heures du mat' raide éclaté sur son canapé...

C'est ainsi que j'ai commencé ma collection de jouets. Plus précisément les jouets de science-fiction des années 70 et 80. Les robots, les engins spatiaux et autres extra-terrestres anonymes ou ultra connus comme Goldorak ou Albator... Je n'ai pas vraiment cherché à savoir pourquoi je voulais collectionner les jouets mais je pense qu'ainsi je pansais des blessures de l'enfance et que d'un autre côté j'investissais mon argent dans quelque chose de plus palpable que les restos, les bars et les boîtes de nuit. Je me suis donc mis à chiner d'abord très tranquillement puis avec de plus en plus de frénésie. Je passais tous mes week-ends couché dans des cartons à jouets sales et cassés à ramasser tout ce que je pouvais dénicher.

Je crois avoir eu un parcours classique de collectionneur, à récolter des trucs irréparables, tout et n'importe quoi dans un premier temps. Puis, au fil des années et des brocantes, je finis par affiner mon jugement, à connaitre toutes les variantes de chaque production de figurine ou de véhicule, à distinguer l'objet rarissime de la daube ordinaire, à repérer les bonnes affaires d'instinct.

Mais, et c'est là le but de ce récit, mon deux pièces s'était tranformé en deux temps trois mouvements en véritable bric-à-brac, annexe folle d'un magasin de jouets. Sans m'en rendre compte, ce capharnaüm hallucinant rongeait mon moral de taupe chineuse.

Un samedi soir de Septembre, fourbu de ma journée de vide-greniers, alors je restais prostré à contempler un Général Ackbar (c'est l'extra-terrestre à tête de poisson de la guerre des étoiles) daté de 1982, j'éprouvais comme un vertige soudain, une intense bouffée de chaleur me submergea et là, j'entendis très nettement le Général parler en moi.

Et ses premiers mots furent "Tu ne dois plus nous entasser dans des cartons comme tu le fais".

15 août 2005

Les petites voix

Les petites voix est écrit en direct live, une histoire de jouets qui s'éveillent... Un univers surréaliste positif ancré dans l'actualité. Abandonné depuis trop longtemps, je compte fermement ne pas en rester là et livrer une suite prochainement... mille mercis pour vos encouragements !

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