Chapitre 16 – La revanche des Cités
Le Jackpot - Chapitre 15
Univers parallèles - Chapitre 14
Le château de givre - Chapitre 13
Jeux de la mort - Chapitre 12
Une galaxie très très lointaine - Chapitre 11
L’escalier se dérobe et je roule sur quelques marches. Je me
relève aussi sec, mais la pluie de coups repart de plus belle. Des impacts à la
tête, au tibia, à l'épaule, dans les lombaires, toute mon anatomie y passe. J'esquisse
instinctivement des crochets, des coups de pieds fouettés et des ruades mais
cela ne semble pas opérer. Les coups que je reçois sont font plus violents...
- ne réponds surtout pas ! me crie Ackbar, ne t'arrête pas
descendre...
- Mais putain c'est pas possible ! Si tu crois que j’vais me
laisser avoir par ces bâtards!
- Mais calme toi
Luxkaï, on va mettre tous nos moyens sur le coup...
- Eh ben, moi j’te dis
qu’on a vite intérêt à trouver le moyen de pénétrer cet espèce de champ de
protection !
- On y arrivera, ce n’est qu’une question de temps…
- De toutes les façons, c’est pas moi qui prévient… qui-tu-sais…
- Pas de problèmes, je m’en charge (comme toujours d’ailleurs
ajouta t’il pour lui-même). Arnold, nous allons déposer Luxkaï chez moi.
- Non non, c’est pas la peine, j’ai d’autres projets pour cette
nuit.
- Comme tu voudras.
- Ackbar ! Dis moi Général où sommes nous ?
- ...
- Ackbar ?
-...
Me voilà seul dans cet univers glacial et saisissant. Des sons
étranges mi-cristallins mi-industriels se répondent dans l'espace. En balayant
l'horizon du regard, je distingue de gros rails bleutés qui dessinent
d'immenses trajectoires courbes sur la neige et dans le lointain, de grandes
formes qui évoluent gracieusement. Les figures, toutes argentées et hautes de
plusieurs mètres se rapprochent. Ce sont des étoiles de neige, des papillons et
des pantins articulés qui glissent sur les rails.
Le pantin à ma gauche abaisse son bras et désigne le fauteuil de
son sabre.
- Euh… vous acceptez la carte orange ou bien je paie à
l’arrivée ?
…
- Bonsoir Wally. Quelles sont les nouvelles ?
…
- Eh bien commence par la mauvaise.
…
- C’est ennuyeux. Nous n’avons pas de temps à perdre…et pour la
bonne ?
…
- Un super hacker tu dis, comment s’appelle t’il ?
…
- Si tu penses qu’il a le profil, évidemment. Je crois qu’il
nous faudra toute l’aide nécessaire pour y arriver.
…
- Très bien, tiens moi au courant.
Premier assaut - Chapitre 10
Typhon social - Chapitre 9
Cinq H + 30. Trafic fluide. Indice Air Parif 3 (bon). Perturbations hydrométriques à prévoir dans la journée. Porte de la Muette. Un fourgon noir un poil frime stationné au-dessus du périphérique. Une cabine de contrôle bardée d'ordinateurs et de moniteurs. Des visages qui défilent sur les écrans. Des diodes témoins jaunes, rouges, verts et bleus. Des logiciels de reconnaissance qui travaillent à la volée sur les tronches des conducteurs du petit matin. Une silhouette fine dans un survêtement noir s'agite. Froissement spasmodique de tissus et de chairs. Une main soignée éteint un à un les moniteurs, l'autre gratte un cuir chevelu. Regard furtif les écrans pour se détailler. Petite moue. Appréciation négative. Un murmure. "Je ne sais pas encore qui tu es mais je me rapproche, je le sens". La gorge qui se racle. Les doigts s'activent à remettre un foulard très chic en place. Un clic de talkie. "Allô Arnold on peut y aller." Un blanc. "On reviendra plus
tard". Nouveau bip de talkie. "You are the boss, Wally". Le camion décolle.
Cinq heures trente et une du matin. Porte de Choisy. J'en peux plus de chez peux plus, de chez peux pas plus. Après que le Prof eut quitté son cabinet et s'en fut dans sa chambre, j'ai pu enfin gagner le bureau, échanger les Scrameustaches et sortir de la maison sans trop de problèmes, courbatures mises de côté. En repassant la grille, non loin des poubelles... tout m'avait l'air tranquille ...
J'attends le premier bus d'un nouveau matin sur la Terre. Il y a de cela soixante
ans, au sortir de l'holocauste, l'homme s'est rêvé en humaniste et s'est construit le salon ONU. Dans les coupes de champagne et les costumes, des sourires et des promesses. Trop de promesses faites uniquement de sourires. La super nation d'Amérique voit s'abattre quatre ans après le Onze Neuf l'horreur de la fracture sociale sur son sol.
Les pieds d'argile du colosse s'effritent sous des corps gonflés d'une eau noire... Le gendarme du monde peine à sauver ses propres gens, Katrina la dévastatrice est à peine partie que s'annonce Rita plus terrible encore... Un autre matin est-il possible ? Moi qui hier encore n'étais qu'un sans grade, un sans problème de la Grande Babylone, que suis-je devenu ? Je ne me reconnais plus, je reconnais plus cette planète si belle hier encore. Serais-je subitement concerné par un univers plus vaste que le mien et par une approche nouvelle des choses...
Voilà le 22. J'y monte en présentant un bout de papier orange. Mes doutes reprennent. Plus je collabore avec mes nouveaux compagnons, plus les questions s'accumulent dans mon horizon psychique. A présent, qui suis-je ? Un héros de la cause du Grand Conseil des Héros imaginaires, fier et sûr de son combat ? Ou un otaku zombie devenu délinquant par pure psychopathie ? Un peu des deux, mon Général. Il n'empêche que je me sens plus mûr à partir de cette nouvelle aube...
A peine ai-je posé les pieds chez moi, que je suis convoqué par le Conseil...alors que je ne pense qu'à plonger sous ma couette. Le Conseil n'a pas la notion du sommeil, il faut dire... Ce n'est pas Yoda qui me parle, comme je m'y attends mais Albator, le corsaire de l'espace, qui m'apostrophe le premier.
- Excellent moussaillon, je sais que tu as accompli ta mission bravement ! Va te décrasser les mains et la figure et reviens devant nous...
- Euh...oui...Capitaine.
Décrassé, je reviens dans l'entrée. Albator réagit.
- Parfait, pose donc le Général Ackbar et le Scrameustache à leur place au Conseil. Je m'exécute illico.
- Merci de la ballade Shaz, me fait le Scrameustache, quand je le saisis, je t'assure que tu ne le regretteras pas.
La parole de Yoda s'adresse à Ackbar. Comme je n'ai entendu personne me congédier, il semblerait donc que je sois soit autorisé à assister à cette réunion au sommet.
- Général, puisque à présent le dernier membre installé est, en déduire qu'achevée est notre opération je puis ?
- Loin de là, répondit le Calamarien sans hésiter. Nos ennemis convergent sans aucun doute vers notre zone et je ne répéterai pas ce que je pense d'Ali.
Sans tout comprendre, je suis scié par la détermination émanant du grand stratège. Apparemment on n'a pas vécu les mêmes choses. Ackbar aurait-il capté des informations qui m'échappent ?
- Hmmm... Accomplir l'unité nous devons... Mais je laisse la parole à Sidéro.
La voix de Sidéro me parvient. Une voix différente de celle de la série télé de ma petite enfance, avec un accent japonais et un timbre de voix plus féminin.
- En présence de tous ses membres et en vertu de l'accord préalable sur ses statuts, je déclare logiquement notre Grand Conseil opérationnel. Il peut dès à présent exercer son autorité de plein droit. Ce qui m'amène à la déclaration tout aussi logique qui suit. Vu le nombre très majoritaire de droïdes entassés dans des conditions affreuses à rétablir d'urgence dans leur équilibre, nous ne traiterons d'aucun autre dossier avant d'avoir obtenu gain de cause. Même si nous avons conscience de notre situation très précaire. Et n'en déplaise à Maître Yoda, je demande la réquisition immédiate des quatre étagères devant la porte.
L'intervention de Sidéro jette un certain trouble sur les membres du Conseil. Moi je comprends surtout autre chose.
- Excusez moi beaucoup, mais qui va vous les libérer les quatre étagères? Parce que je vais me coucher!
- Humain, selon tes critères la journée vient juste de démarrer. Tu ferais mieux de te passer de dormir me répond Sidéro. Petit homme, avoir le privilège de servir le Conseil prime sur cet état végétatif que tu affectionnes tant.
Nuit échangiste - Chapitre 8
Tu vas rentrer chez toi
réfléchir à ton destin. Je vais rentrer chez moi réfléchir à mon destin. Tu vas
rentrer chez moi méditer au destin humain. Tu ne vends pas de bâtons de la mort
Tu vas rentrer chez moi sans te faire voir... Pour me regaillardir je cours
dans les rues avec mon petit mantra de faux ninja qui n'arrive pas en voiture.
Et pour cause, Titine, se faisant de plus en plus vieille, a refusé de démarrer.
Le stress me fouette les sangs mais me tourne la tête, je n'ai ni assez dormi
ni assez mangé. Et je ne fais pas, enfin, je ne fais plus de sport. Heureusement
que je fume et que je bois peu. Je souffle, j'entre dans la Butte au Cailles.
J'approche donc vers les trois heures et quelque du matin, de la rue des cinq diamants
dans le treizième arrondissement de Paris.
Mis à part un braillement d'ivrogne dans le
lointain et des quelques piaulements incertains, la rue est déserte. La maison
que l'on m'a décrite sort tout droit d'un vieux film d'horreur, mais semble profondément
endormie, bon signe. Maison de ce mystérieux prof Tanathos, ethno-physicien au
CNRS qui aura bientôt le Scrameustache du carton N°6b sur son bureau. Si tout
va bien...
Escalader la grille, ne pas se blesser sur les
piquants est assez facile mais épuisant physiquement et nerveusement. Je ne
pourrais l'affirmer, mais en basculant mon corps de l'autre côté, il m'a bien
semblé voir une silhouette qui m'observait à moitié cachée derrière les rideaux
dans la maison. Ça, pas glop du tout. Une parano circonstanciée ? Pfff...au moins
le jardin est coupé de la luminosité de la rue. Je reste en arrêt, en
apercevant une niche contre la maison. Je redoute l'irruption de quelque
molosse, genre pitbull de tranceuse. C'est vraiment n'importe quoi de penser à
cette folle maintenant. Rien. J'avance à pas de loup vers la bâtisse.
Je suis au pied du mur quand j'entends une voix
dans ma tête :
- Alors ça te dérange pas plus que ça de me laisser ici ?
Mes cheveux se dressent et je reste pétrifié. C'est une voix miauleuse nouvelle
et étrange. Le Scrameustache bien sûr. Mais une autre voix lui répond.
- Ce n'est pas le moment de te plaindre. Tu vois bien qu'il est au pied du mur.
Il y va de l'intérêt général et il n'y a pas d'autre choix.
Ah...au pied du mur, toujours vanneur mon Général
Ackbar. J'ai eu pour ordre de l'emporter avec nous, le Grand Conseil Provisoire
l'a bombardé conseiller stratégique pour cette mission.
- C'est faux, répond l'alien chat, il en va de tes intérêts de Général mais
Shaz a TOUS les choix, PAS VRAI ?
Le Scrameustache marque un point. L'honorable calamar Calamarien ne relève pas.
Je me recroqueville contre la niche.
- Ecoute voir, Scramouse, je suis à moitié réveillé, à moitié endormi, à moitié
plus fou que je n'étais déjà il y a trois jours...De toutes les façons, je
t'avais oublié, je tai sorti du 6B où tu dormais depuis six ans et maintenant
je t'emmène dans une maison dix fois plus grande que mon taudis, chez un
professeur de talent super chouette..et dans un quartier résidentiel alors elle
est pas belle la vie ?
- Si tu oses me sortir ce genre de réponse, c'est que tu n'es pas au bout de
tes peines et que tu ne mérites pas de me garder.
- Mais...
- Je ne dirais plus un mot, fait le félin simiesque, va donc installer ton martyr...
Je soupire. Les nuits sont plus fraîches à présent. L'été s'en va...
Ackbar éructe.
- Concentrons nous sur la mission messieurs !
Comme un automate, je le relève d'un coup et escalade dans un ultime effort la façade
poussiéreuse de la bâtisse pour arriver au premier étage, devant une fenêtre
entr'ouverte. Je me glisse dans le noir, déboulant dans ce que je devine être
un cabinet de toilette. De la lumière dans le couloir, j'aurais juré de la rue
que tout me semblait éteint. Je garde mn calme en me figeant, j'entends des pas
nerveux dans le couloir.
Une voix grave, dans la pièce d'à côté, parvient
à mes oreilles.
- C'est dix fois plus dangereux que l'amazonie, ton délire Ali! C'est une voix
de professeur, j'en mettrai mon Dark Vador au feu. Tiens, ça me ferait un jouet
spectre d'Anakin.
La voix repart à la charge.
- Je te l'avais pourtant dit qu'ils étaient dangereux ! Nous sommes tous par ta
faute déjà en danger de mort...et ce depuis des semaines !!! Les petits pas
tournent plus rapidement.
- Ali tu m'écoutes, tu dois à tout prix te séparer
d'eux ! Tu vas renoncer à tes conneries de catalyseur ! Allez file tu m'énerves
! Les petits pas s'éloignent dans le fond du couloir puis claquent dans
l'escalier.
- Qu'est-ce que vous foutez là ? Sortez immédiatement du cabinet de toilette
!!!
Et fouchtre !!! je me suis fait gaulé comme un naze.
Je m'imagine bien la scène, le Prof me tenant en
joue de son fusil, appelant à l'aide, puis la police, les menottes, la cage
puante au poste, ma vie gâchée en taule à plier de mes mains des invitations de
soirées chic. Des flyers qu'hier encore je créais et je mettais en page, en
toute liberté.
- Mais non c'est le Scrameustache, andouille, me
fait Ackbar. Je proteste.
- Je suis désolé, c'est une voix qui lui ressemble mais pas la sienne...
- Ah ben oui, fait malicieusement la voix du singe chat dans ma poche,
puisqu'il est l'autre Scrameustache...
- Vite, vite, mais tire toi !!! hurle justement l'alien du bureau.
J'obtempère et sors du cabinet pour foncer dans une pièce devant moi. La
buanderie apparemment. Des pas lourds accompagnent une forte respiration du
couloir vers le cabinet de toilette. J'ai évité la taule. Provisoirement.
J'envoie une pensée vers le bureau.
- Bravo Monsieur le Scrameustache. vous m'avez sauvé, vous avez un super don
prémonitoire.
- Eh non cher couillon, je suis juste cloué sur ce bureau depuis assez
longtemps pour savoir quand Thanatos va pisser!
Chapitre 7 - Sueurs froides
Chapitre 6 - Surprises et mystères, la vie quoi...
Chapitre 5 - Kidnapping
Chapitre 4 - Sauvetage de Yoda - Aujourd'hui
Voilà voilà, à présent les esprits cartésiens seront partis et j'espère qu'il me reste un lecteur pour dire à ma pauvre mère que je ne suis pas fou. Il y a deux jours encore, ma vie était banale à pleurer, certes encombrée de vaisseaux spatiaux et de robots, mais on ne peut plus tranquille. Aujourd'hui, je suis en partance pour une mission des plus mystérieuses pour l'émergence d'une nouvelle conscience. Il est cinq heures du matin et je laisse ces lignes sur ce blog pour témoigner de ma peur, mon désarroi et de mon excitation mêlés.
Honfleur est un joli port de pêche très touristique, réputé pour ses galeries de peinture. Il est plus de sept heures et demie et je tourne autour de la brocante pour trouver où me garer. Au moins, j'ai pu "converser" un peu avec Ackbar pendant le trajet, même s'il reste toujours aussi enigmatique. Enfin, le Calamarien (originaire donc de la planète Mon Calamari) est plutôt ravi de voir du pays et même quelque peu ému à l'idée de rencontrer Yoda. Mais toujours pas de place de parking en vue.
- Gare toi où tu pourras, me fais le Général, tu n'as pas de temps à perdre.
J'obtempère et coupe le moteur. Et nous voilà donc à arpenter entre les stands des brocanteurs et des particuliers dans le jardin du port.
J'émets une pensée en direction d'Ackbar.
- Tu pourrais m'aider à trouver le stand puisque tu m'as amené jusqu'ici.
- C'est trop difficile. Je perçois Yoda mais son aura est noyée par tous les jouets qui sont en vente ici. Tu sais, leurs pensées découlent directement de ce que leurs créateurs ont placé en eux.
- Ah bon ? Et je peux leur parler à eux aussi alors ?
- Evidemment. Si tu peux communiquer avec moi, tu peux le faire avec TOUS les jouets de la planète.
- Attends une seconde, je vais faire un essai.
Je saisis sur un stand devant moi une poupée d'un garçon en bermuda, athlétique, bronzé et l'air un peu idiot.
- Salut mec, pensais-je, moi c'est Shaz.
- Salut Shaz, me répondit-il, avec un drôle d'accent, moi c'est Ken, tu veux m'emmener avec toi ? j'aimerais beaucoup aller sur le lac avec Barbie et Skipper dans mon camping-car...
- euh...non merci Ken, une prochaine fois peut-être.
Ackbar me ramena à la réalité, enfin à notre réalité devrais-je dire...
- Dépêche toi, il est déjà huit heures !
Oh merde, l'heure ! Je lâche Ken le crétin et me mets à courir, scannant à toute vitesse les stands. Et là, tout au bout des tables, je crois apercevoir une petite tête verte et ridée. Seulement voilà, mon rarissime Yoda se trouve emprisonné dans la main d'un garçon d'environ huit ou neuf ans. Je m'approchede l'enfant et du vendeur, un vieux normand au regard morne et crie, presque hystériquement, une bête phrase sortie tout droit d'un film de serie Z.
- Quelle que soit l'offre que cet enfant vous a faite, je vous en donne le double !!
L'oeil du vieux normand s'allume. Il se tourne vers l'enfant qui ne comprend pas ces enjeux d'adulte.
- Ah oui ? Et combien tu me donnes pour ce truc, petit ? L'enfant fouille dans sa poche et tend sa petite main innocente au marchand. Deux pièces d'un euro et une de cinquante cents s'y trouvent. Le marchand se tourne vers moi.
- Donc, si je calcule bien, vous m'en donneriez cinq euros ?
- Oui, les voilà. Le vieux empoche mon billet et s'adresse au gamin.
- Désolé petit, mais le monsieur m'a donné plus que toi. Donne lui le jouet, s'il te plait. L'enfant hésite. A cet instant précis, une voix calme et puissante se fait entendre entre mes oreilles.
- La même somme qu'au marchand à cet enfant tu donneras. Pas besoin de chercher bien loin, il n'y a que le fameux maitre Jedi Yoda pour s'exprimer ainsi, et pour me demander de dédommager le petiot. Je m'éxécute et je m'agenouille pour regarder le gosse dans les yeux.
- Tiens voilà cinq euros, je suis vraiment désolé mais il me faut absolument ce Yoda. On reste copains ? Le gamin attrappe mon billet et se tourne vers le marchand.
- Vous avez des Yo-gi-yoh?
Je regarde mon Yoda à ma cape blanche dans ma main. Il tient dans la main un étrange sceptre avec un rubis rouge surmonté d'une tête de mort.
- Dois-je t'appeler Maitre ?
- Maître tu m'appeleras et me vouvoyer tu devras.
- Très bien Maitre Yoda, peut-être daigneriez-vous éclairer ma lanterne ?
- En temps utile tout te sera révélé.
- Maitre Yoda, lance Ackbar, je devine la présence d'Hammerhead non loin, et il exige que nous l'emmenions.
- Imprévisible il est, réplique le Maitre, mais ignorer sa requête nous ne pouvons.
En effet, deux stands plus loin, nous trouvons le fameux Hammerhead, un nom qui veut dire tête de marteau (et qui désigne également en anglais le requin marteau). Si j'ai bonne mémoire, il ne fut rien d'autre qu'un client du bar malfamé de Mos Esley sur Tatooine. La figurine ne me dit rien, au propre comme au figuré. Il est trop...à part, même pour un non-humain. Autant il est vrai qu'Ackbar et Mapître Yoda me semblent dignes de confiance, autant le regard d'Hammerhead et son silence mental ne me disent rien qui vaille.
En regagnant ma voiture, je me remémore les paroles d'Ackbar concernant l'acquisition de Yoda et je me dis qu'il m'a côuté dix euros et non pas les quarante-cing euros. Seulement voilà, arrivé devant mon épave, j'ai la désagréable surprise de découvrir un PV de 35 euros pour mauvais stationnement. Cette prémonition hallucinante me fait froid dans le dos. Toute la trame de l'univers serait-elle déjà écrite ? Et comment ces petits morceaux de plastique pourraient-ils connaître à l'avance le cours des choses ?
Je dirige mes pensées vers Ackbar.
- Comment pouvais tu savoir à l'avance que l'amende plus le prix que j'ai payé, sans oublier la demande de Yoda de payer l'enfant, donnerait quarante-cinq euros ? Hein ?
- Ne raisonne donc pas en termes de savoir, réplique le Calamarien, oublie dorénavant ce que tu sais ou crois savoir. Notre destinée, même si elle nait de l'esprit humain, ne s'inscrit pas dans la logique humaine. Moi, Maître Yoda, Hammerhead, le Ken avec qui tu as parlé ou bien encore le Sidéro (le droïde de San Ku Kaï ) qui est chez toi, avons tous une place et un rôle bien précis. Nous ne nous reproduisons pas, nous ne respirons pas, nous ne mangeons pas, nous n'avons ni compte en banque ni effets personnels autres que ceux que tu peux mettre dans nos mains, mais nous pensons. TOI, tu es la passerelle entre le monde manifesté et le monde de notre conscience à nous. Tu as acquis cette conscience pour permettre à la notre de s'ordonner.
- Parfaitement le Général a parlé, conclut Yoda.
- Mais tout n'est pas encore joué, et de loin, nous coupe Hammerhead.
Chapitre 3 - La quête
Après cette nuit hantée de rêves très glauques (comme celui où je me retrouve bombardé patron d'une salle de jeux vidéos dans une impasse glauque derrière la Gare du Nord), je me réveillai en espérant encore ne plus entendre Ackbar dans ma tête.
Après ma douche, mon thé vert à la menthe à la main, je m'assis en face de la figurine et demandai, ironiquement : Allô, y a quelqu'un ? Mais j'effaçai très vite mon sourire quand j'entendis de nouveau en moi la voix du Général des forces rebelles...
- Je t'attendais.
- Et moi j'espérai avoir rêvé, mais comme tu me l'as dit, ma conscience a désormais atteint un niveau si spécial...
- Comme tu as cette conscience, me reprit la figurine, tu te dois de faire très attention à ce que je vais te dire, car avant de déballer tes cartons de jouets, tu dois absolument commencer par retrouver le Yoda à cape blanche.
- Le Yoda à cape blanche ? Je me demandais si Ackbar ne se foutait pas de moi.
- Oui, tu as bien entendu. En 1980, une erreur de conditionnement dans la chaîne de fabrication des jouets Kenner a doté six figurines de Yoda avec une cape blanche de snowtrooper (les soldats de l'Empire à l'assaut de Hoth, la planète de glace), et il t'en faut absolument un.
- Tu permets que j'aille vérifier ?
- Oui je comprends ton incrédulité, vas y.
J'allais donc de ce pas dans ma modeste bibliothèque dédiée à la science-fiction et aux jouets et finis pas débusquer dans l'encyclopédie des jouets de la guerre spatiale, ce fameux Yoda à cape blanche. Six exemplaires sur Terre, côtés en boîte à 5000 dollars, tout de même !! Je me retournai vers le mollusque en plastique.
- Dis donc Ackbar, tu connais la côte des Yodas à cape blanche ? Je n'ai pas cet argent sur moi !
La lumière semblait jouer sur les yeux sombres d'Ackbar. Puis sa voix me parvint.
- Les côtes sont faites par des esprits sans coeur qui ignorent tout de nous. A nos yeux, ces catalogues sont de veritables manifestes d'esclavagistes ! Mais ne t'inquiètes pas, je sais où tu trouveras Yoda et que tu ne le paieras pas plus de quarante-cinq euros. Et je devine ce que tu te dis, que tu ferais une excellente affaire en le revandant, seulement... (il me semblait qu'une menace invisible planait au dessus de la pièce)
- Seulement quoi ?
- Si jamais tu le revendais, tu entâcherais ton karma de manière irrémédiable.
- Au secours ! Voilà une figurine de dix centimètres qui me menace, j'ai peur !!
- Je crois au contraire que tu ferais bien de prendre très au sérieux cet avertissement ...
- Ok, ok. Et où est-il ce fameux Yoda ?
- Demain à Honfleur, sois-y avant huit heures.
- A Honfleur ? Non mais ça va pas bien dans ta toute petite tête ? C'est à deux cents bornes d'ici.
- Je le sais. Mais tu n'as pas le choix. Ta nouvelle conscience l'exige.
- Ah ben merci du cadeau. Eh ben bonjour Honfleur.
- Et avant huit heures, c'est très important, car Yoda ne devra pas être vendu à un autre. Sous aucun prétexte.
- Ah ouais, sinon l'univers basculera du côté obscur.
- On peut le dire comme ça, en fait la conscience intérieure qui a émergé grâce à toi reculera à nouveau et les conséquences seraient bien fâcheuses.
A ce stade de notre "conversation", je ne riais plus. Soit j'avais déjà sans m'en rendre compte basculé du côté schizophrénique de la Force et il était trop tard pour me sauver, soit je faisais confiance à la petite voix d'Ackbar et ferai ce qu'il me dirait. Je choisis, in fine, d'aller à Honfleur le lendemain matin.
Chapitre 2 - Révélations
A ces mots, mes genoux lâchèrent et je me retrouvais écroulé sur la moquette (vert pomme) du salon. Je ne me sentais vraiment pas bien, je soupçonnais une remontée d'une quelquonque substance d'un technival du passé et je me dis "Non non non, c'est pas possible.
Je restais prostré quelques instants et puis rouvrais les yeux sur Ackbar.
- Dis moi que j'ai halluciné, demandais-je en pensée à la figurine.
- Mais non, me repondit Ackbar, tu n'hallucines pas, au contraire tu as atteint un niveau de conscience supérieur afin de communiquer avec nous.
- Ah bon ? trouvais-je juste à répondre.
- Certes, reprit la figurine du général au creux de ma main, tu as modifié ta structure neuronale par tes expériences psychédéliques passées, mais c'est aussi le temps que tu as consacré à chercher, connaître et aimer les jouets qui fait que tu peux à présent nous entendre...
- Oui...
Je ne savais que penser. L'air semblait trembler devant mes yeux. J'ai reposé Ackbar sur la table basse du salon et le fixai dans les yeux.
- Ecoute, je sors faire tour, on se revoit plus tard.
Sans attendre de réponse de sa part, je pris les clés dans l'entrée et sortis. Une envie folle d'aller au Bois de Boulogne me saisit. J'y restai toute la soirée et une bonne partie de la nuit, agenouillé contre un chêne. Je me repetai qu'on avait mis une drogue dans mon verre à la buvette de la dernière brocante où j'étais passé, ou que c'était une expérience de services secrets qui testent des ondes hallucinatoires, que sais-je ? J'aurais bien voulu partager cela avec un pote, mais avais-je envie d'être pris pour un débile profond par mes proches ? Déjà que ma paranoïa m'inclinait à penser que j'avais une solide réputation de psychopathe défoncé...
Je revenais donc à reculons chez moi. J'aspirai une grande bouffée d'air et retrouvai Ackbar là où je l'avais posé, avec l'espoir de ne plus l'entendre. Peine perdue.
- Qu'est-ce que tu croyais ? me fit-il d'entrée de jeu, que tu avais rêvé ?
C'en était presque trop pour moi. Je décidai de prendre un peu de distance.
- Ça ne t'embête pas trop si on parle demain ?
Ma nuit fut assurément des plus agitées.
Au commencement - chapitre premier
Je sais que les esprits cartésiens ne comprendront jamais mon histoire. Mais peu m'importe car pour moi il n'y a plus d'échappatoire. L'histoire commence donc par moi forcément. Le plus simple serait de vous brosser les grandes lignes de ma vie. Je m'appelle Shaz. J'ai la trentaine bien engagée, je suis célibataire, sans enfants, ni animaux ni plantes vertes, j'habite à Paris dans un quartier chic et je travaille comme graphiste indépendant dans mon petit deux pièces. Avant que tout n'arrive, j'étais un gros fêtard fan de techno, du genre à s'échouer trois fois par semaine à six heures du mat' raide éclaté sur son canapé...
C'est ainsi que j'ai commencé ma collection de jouets. Plus précisément les jouets de science-fiction des années 70 et 80. Les robots, les engins spatiaux et autres extra-terrestres anonymes ou ultra connus comme Goldorak ou Albator... Je n'ai pas vraiment cherché à savoir pourquoi je voulais collectionner les jouets mais je pense qu'ainsi je pansais des blessures de l'enfance et que d'un autre côté j'investissais mon argent dans quelque chose de plus palpable que les restos, les bars et les boîtes de nuit. Je me suis donc mis à chiner d'abord très tranquillement puis avec de plus en plus de frénésie. Je passais tous mes week-ends couché dans des cartons à jouets sales et cassés à ramasser tout ce que je pouvais dénicher.
Je crois avoir eu un parcours classique de collectionneur, à récolter des trucs irréparables, tout et n'importe quoi dans un premier temps. Puis, au fil des années et des brocantes, je finis par affiner mon jugement, à connaitre toutes les variantes de chaque production de figurine ou de véhicule, à distinguer l'objet rarissime de la daube ordinaire, à repérer les bonnes affaires d'instinct.
Mais, et c'est là le but de ce récit, mon deux pièces s'était tranformé en deux temps trois mouvements en véritable bric-à-brac, annexe folle d'un magasin de jouets. Sans m'en rendre compte, ce capharnaüm hallucinant rongeait mon moral de taupe chineuse.
Un samedi soir de Septembre, fourbu de ma journée de vide-greniers, alors je restais prostré à contempler un Général Ackbar (c'est l'extra-terrestre à tête de poisson de la guerre des étoiles) daté de 1982, j'éprouvais comme un vertige soudain, une intense bouffée de chaleur me submergea et là, j'entendis très nettement le Général parler en moi.
Et ses premiers mots furent "Tu ne dois plus nous entasser dans des cartons comme tu le fais".